"Le journal d'Anne Frank", des droits d'auteur jalousement gardés
La législation française prévoit qu'une œuvre tombe dans le domaine public le 1er janvier suivant les soixante-dix ans de la mort de son auteur.
Mais le Fonds estime que "Le journal d'Anne Frank"(Nouvelle fenêtre) est une "œuvre posthume", publiée longtemps après la mort de la jeune fille. Il affirme donc qu'il ne devrait tomber dans le domaine public, et donc être accessible à tous gratuitement, qu'en 2030, voire 2051. Une interprétation contestée par des chercheurs.
Le journal pourrait ne tomber dans le domaine public qu'en 2051
Le Fonds considère notamment que le père de la jeune fille, Otto, peut être considéré comme coauteur du livre. Ce dernier a rassemblé le journal et en a coupé une partie, qu'il jugeait trop personnelle, et c'est lui qui a arrangé la version du livre que l'on connaît aujourd'hui. Ce dernier étant mort en 1980, le Journal d'Anne Frank ne tomberait dans le domaine public qu'en 2051.La première version du "Journal d'Anne Frank" a été publiée en France en 1950. La version intégrale est sortie dans les années 1980. "Si la règle générale est celle des 70 ans PMA (post mortem autoris), de nombreuses exceptions existent telles que celles relatives aux œuvres posthumes", a expliqué le Fonds Anne Frank à Bâle (Suisse) dans un communiqué adressé à la revue professionnelle Livres Hebdo.
Le "Journal d'Anne Frank", écrit par la jeune fille juive de 13 ans(Nouvelle fenêtre) entre juin 1942 et août 1944 alors qu'elle se cachait avec sa famille à Amsterdam, a été publié pour la première fois en néerlandais par son père en 1947, et traduit dans plus de 70 langues. Le livre, devenu un phénomène d'édition, a été vendu à plus de 30 millions d'exemplaires. Plusieurs versions de l'œuvre ont été éditées par la suite mais toutes aujourd'hui restent protégées, rappelle le Fonds Anne Frank.
Des arguments de fond contestés
Actuellement, les seules éditions autorisées dans leur traduction française sont disponibles chez Calmann-Lévy et au Livre de poche. Anne Frank est morte en février ou mars 1945, à l'âge de 15 ans, dans le camp de Bergen-Belsen en Allemagne où elle fut transférée après la découverte de "l'Annexe" (sa cache) par les nazis.Les arguments du Fonds sont contestés. L'enseignant chercheur Olivier Ertzscheid est ainsi monté au créneau, sur le site Rue 89, dans un billet intitulé "Chère Anne Frank, je libère ton texte, en toute illégalité"(Nouvelle fenêtre). "Qui sont-ils, Anne, pour s'opposer ainsi à l'entrée de ton journal dans le domaine public?", demande-t-il. L'universitaire a décidé de mettre en ligne les deux versions du "Journal d'Anne Frank".
La député écologiste du Calvados Isabelle Attard, qui milite pour élargir le domaine public, a estimé sur son blog que "l'interprétation" du Fonds Anne Frank est "fausse"(Nouvelle fenêtre). "L'œuvre originale, à savoir le Journal tel qu'Anne Frank l'a écrit en 1942, n'a qu'une seule auteure", insiste la parlementaire qui juge que le récit de la jeune fille, disparue dans l'enfer des camps, doit entrer dans le domaine public le 1er janvier prochain.
"Une règle de droit absurde"
"Je suis prête à le maintenir devant les tribunaux", affirme l'élue normande. Elle annonce par ailleurs qu'elle publiera le 1er janvier la version originale du "Journal d'Anne Frank"... en néerlandais.Alors que certains s'inquiètent que les négationnistes et révisionnistes s'emparent de l'œuvre d'Anne Frank une fois tombée dans le domaine public pour insulter sa mémoire, la député répond : "Je comprends cette inquiétude. Elle est cependant inutile. Seuls les droits patrimoniaux du Journal d'Anne Frank disparaîtront ce 1er janvier(Nouvelle fenêtre). Les droits moraux, eux, sont imprescriptibles en France".
Le juriste et bibliothécaire, Lionel Maurel, spécialiste du droit d'auteur, s'est insurgé de son côté sur son blog contre "une législation byzantine sur les œuvres posthumes". "Il arrive un point où l'absurdité de la règle de droit mérite qu'on lui oppose des actes de désobéissance civile", a-t-il affirmé.
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