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"Le journal d'Helga", la Shoah racontée et dessinée par une enfant

Son journal a été miraculeusement conservé. Helga Weissová, rescapée de la Shoah, a commencé en 1938, à l'âge de 8 ans, à consigner les évènements de sa vie. Elle a aussi dessiné ce qu'elle voyait. "Le journal d'Helga" est un témoignage sur l'holocauste précieux et bouleversant, publié en France aux éditions Belfond.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
"Le journal d'Helga" Helga Weissová (Belfond) / Photo d'Helga Weissová en 1938 / Dessin d'Helga réalisé en 1942 dans le ghetto de Terezín :"Trois fois par jour, il fallait faire une queue interminable pour manger" 

Le journal d'Helga est le témoignage d'une enfant tchécoslovaque, Helga, entre 1938 et 1945. Dans des cahiers d'écolière, puis sur des feuilles volantes, textes accompagnés de croquis, elle y raconte jour après jour l'occupation à Prague, les premières lois antijuives, le ghetto de Terezin, puis Auschwitz et Mauthausen, où elle fut déportée.

Son journal a été miraculeusement sauvé. "Enterré, presque oublié", Helga Weissová le retrouve au fond d'un tiroir et décide de le publier : "Six millions de juifs ont péri pendant la seconde guerre mondiale. Ce chiffre cache autant d'histoires, autant de destinées humaines… Mon journal est le reflet de l'une d'entre elle", explique-t-elle dans l'avant propos de son texte, publié en France aux éditions Belfond.

Exercice de survie

Le récit commence à Prague. Ce journal aurait pu rester le journal intime d'une petite fille heureuse. Mais en 1938 son pays est annexé par l'Allemagne. La mobilisation, l'occupation, les premières lois anti-juives, jusqu'à l'installation dans le ghetto de Terezín, la faim, la maladie, la séparation des familles, la débrouille, mais aussi les moments heureux volés. Trois années coupée du monde, sans nouvelles du dehors, avec l'incertitude permanente du lendemain. Listes, colonnes, numéros … Helga raconte avec ses mots simples d'enfant l'histoire de cette entreprise destinée à ôter à des hommes leur humanité, parce qu'ils sont juifs.

Le dortoir à la caserne (1942) "Au début, on dormait par terre chacun disposant de 1,5m2. Plus tard on a construit des lits à trois étages."
 (Helga Weissová)
En octobre 1944, Helga est déportée à Auschwitz. Elle quitte Terezín, "un paradis" en comparaison de ce qui l'attend. Elle confie son journal à son oncle qui le cache dans un mur du ghetto. Ensuite Helga ne peut plus écrire. Trop dangereux. Elle notera à sa libération les scènes de sa vie dans les camps de concentration comme elles reviendront à sa mémoire : les heures de train, l'arrivée dans le camp et les hurlements des SS, les pyjamas rayés, le tri, le froid, la faim, la tête rasée, les humiliations, le travail harassant, le bonheur d'un simple manteau ou les pulsions de mort, les derniers jours, puis la paix et le retour à Prague.

Un document essentiel pour "garder le souvenir du passé"

L'ensemble constitue un témoignage rare et précieux. Le récit, fait par une enfant, puis une jeune fille (elle a 11 ans quand elle arrive à Terezín) est imprégné du sentiment d'incompréhension. Helga ne sait pas ce qui va se passer. En cela, son récit évoque "Etre sans destin" le récit d’Imre Kertesz, prix Nobel de littérature, qui déroulait les faits de cette manière, quand les victimes ne savaient pas ce que l'avenir leur réservait. Un jour après l'autre, un pas après l'autre, toujours plus proche de l'horreur.

C'est dans ce pas à pas terrifiant, raconté par une enfant, avec ses mots, ses dessins, son regard éberlué mêlé de révolte, que le lecteur parcourt ce chapitre effarant de l'histoire. C'est pourquoi il est si important que des témoignages comme celui d'Helga Weissová soient publiés, et lus, notamment par les plus jeunes, qui peuvent à travers l'expérience racontée d'une de leur pair, appréhender la réalité de cette histoire. Un livre précieux.
 
Le journal l'Helga, Helga Weissová, traduit par Erika Abrams (Belfond – 256 pages – 22 euros).

Extrait :

Je le vois toujours, debout sur le marchepied, il agite la main, il sourit… Ah mon Dieu, est-ce qu'on peut appeler cela un sourire? Je ne l'avais encore jamais vu comme ça. Peut-être a-t-il voulu sourire, mais il n'est parvenu qu'à une grimace ratée. Avec les commissures des lèvres si drôlement tiraillées. "Papa !"

 

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