Les dix polars et thrillers incontournables de la rentrée 2024 : le choix de la rédaction
D’Olivier Truc à James Ellroy, en passant par Ian Manook ou encore Michael Connelly, le thriller continue de sonder la société. Genre littéraire à part entière, le thriller prend de plus en plus d’ampleur chaque année. Comme toute sélection, ce choix est forcément subjectif et non exhaustif.
"Le premier renne" d’Olivier Truc : Tant qu’il y aura des hommes
Ecologie, économie, traditions, discriminations… Le dernier livre d’Olivier Truc, Le premier renne (éditions Métailié), est d’une grande ambition. Le romancier nous donne à voir derrière la carte postale. En plus du dépaysement, il saisit la folie des hommes saisis par le profit immédiat. La narration captivante offre une immersion au sein d’une population qui lutte pour sa survie. Le malheur du peuple sami, éleveurs de rennes, est de posséder des terres rares conservant des métaux convoités par les entreprises des hautes technologies. Et c’est donc en Laponie, en pleine période du marquage des faons qu’un troupeau de rennes est décimé. Nina Nansen et Klemet Nango, enquêteurs de la police des rennes, découvrent petit à petit toutes les ramifications d’une affaire pas comme les autres. Olivier Truc nous fait un immense cadeau avec le personnage d’Anja, la femme qui refuse la fatalité. Un thriller brillant.
"Le premier renne", Olivier Truc, éditions Métailié, 22 euros
"Les enchanteurs" : James Ellroy n’aime pas Marilyn Monroe
James Ellroy est cet écrivain américain qui s’acharne à voir de la laideur, de la noirceur, dans la beauté. Et les ténèbres dans la lumière. Rien n’échappe à son scepticisme. Ni personne. Dans son dernier roman, Les enchanteurs (Payot et Rivages), il s’en prend à Marilyn Monroe. Et au bazooka. Troisième volet du Quintette de Los Angeles (après Perfidia et La tempête qui vient), Les enchanteurs porte toutes les obsessions de son auteur : complots à tous les étages, police corrompue et soumise au politique, chantage, personnages interlopes, utiles et infréquentables, le tout dans un pays déserté par l’innocence. Nous sommes le 4 août à Los Angeles. Marilyn Monroe vient de succomber à une overdose à son domicile. Gwen Perloff, une actrice de série B, est kidnappée dans d’étranges circonstances. Pour mener l’enquête, Freddy Otash, personnage peu recommandable. Les enchanteurs ou la grande désillusion. Signé James Ellroy.
"Les enchanteurs", James Ellroy, traduit par Sophie Aslanides et Séverine Weiss, Rivages et Payot, 26 euros
"Sans l’ombre d’un doute" de Michael Connelly : les grandes retrouvailles
L’auteur du Poète a la régularité d’un métronome, un livre par an. Et une efficacité redoutable. Michael Connelly a mis en scène, tout au long de sa carrière, quatre personnages attachants : l’inspecteur Harry Bosch, son demi-frère Mickey Haller, l’avocat rock’n’roll qui travaille depuis sa Lincoln, Eleanor Wish, agente du FBI, ex-femme du détective du LAPD, et la policière Renée Ballard. Il s’amuse de temps à autre à rassembler le duo complice mais que tout sépare : l’avocat et le policier. Sans l’ombre d’un doute (Calmann-Levy) est une plongée méticuleuse dans le système judiciaire américain. Mickey Haller engage son demi-frère, à la retraite, pour l’aider à innocenter une mère accusée d'avoir tué son ex-mari, un adjoint du shérif. Harry Bosch doit faire face à l’omerta et à l’hostilité de ses anciens collègues. Sans l’ombre d’un doute est aussi une critique acerbe de la société américaine.
"Sans l’ombre d’un doute", Michael Connelly, traduit par Robert Pépin, Calmann-Lévy, 22,90 euros
"Le pouilleux massacreur" d’Ian Manook : rêver trop grand
Avec son écriture alerte, raffinée, un peu désenchantée et nerveuse, Ian Manook plonge le lecteur dans les années 1960. Par un sens de la formule qui fait tilt, il décrit les ambitions contrariées d’un homme qui veut s’extraire de sa condition sociale et de son milieu géographique, d’un homme qui rêve trop grand pour son HLM. Dans ce roman noir initiatique écrit à la première personne, Le pouilleux massacreur (éditions La manufacture de livres), Ian Manook s’attaque au déterminisme social et met à nu les mécanismes d’exclusion. "Je m’appelle Sorb, c’est le diminutif de Sorbonne. Ceux de la bande m’ont donné ce surnom parce qu’ils me trouvent plus instruit qu’eux". La bande s’amuse, chahute, s’ennuie. Puis un accident arrive : une femme meurt à cause de l’un des leurs. Commence la descente aux enfers. Captivant.
"Le pouilleux massacreur", Ian Manook, La manufacture de livres, 18,90 euros
"Chambre 505" : la mécanique Viveca Sten
L’autrice suédoise est une conteuse extraordinaire. Dans son dernier roman, Chambre 505 (éditions Albin Michel), elle installe une double narration qui rend l’œuvre addictive. Cette fois-ci, Viveca Sten s’attaque aux violences faites aux femmes. L’intrigue commence par un féminicide dans un hôtel de luxe. Femme d’affaires, la victime était sur le point de lancer un grand projet immobilier. Crime crapuleux ou assassinat lié à des intérêts économiques ? Pour mener l’enquête, Hanna et Daniel, un duo récurrent et très attachant. Dans ce polar d’atmosphère règne une ambiance suffocante. Le va-et-vient entre le passé et le présent donne une densité particulière à ce roman qui explore les rapports hommes-femmes avant et après #MeToo. L’autrice prend le temps de développer les personnages et n’hésite pas à exposer leurs failles. Addictif.
"Chambre 505" Viveca Sten, traduction d’Amanda Postel et Anna Postel, Albin Michel, 21,90 euros
"Queen in New York" de Marine Béliard : pour l’amour d’Elva
Tout bascule le 6 octobre 1989. Joaquin se réveille dans son appartement après une nuit d’ivresse. Au bout du fil, un ex-collègue lui apprend la mort d’Elva, la chanteuse légendaire du groupe new-yorkais A Queen in New York par overdose. La veille la star, qui a pourtant décroché de l’héroïne, a pris un fixe fatal. Joaquin et Elva partageaient une histoire d’amitié exceptionnelle. L’ancien flic du NYPD refuse cette mort et mène sa propre enquête, remonte le passé pour tenter de comprendre. Avec sa plume fluide, nerveuse, Marine Béliard nous plonge dans l’Amérique des années 80 et l’effervescence culturelle new-yorkaise. Sorti en mai dernier, Queen in New York se lit d’une traite. Que sont les amitiés devenues ? Et les rêves de jeunesse ? Et les idéaux ? Queen in New York, un roman noir indispensable.
"Queen in New York", Marine Béliard, Payot et Rivages, 21 euros
"L’Ile" : la tentation Jérôme Loubry
Jérôme Loubry était très attendu après Le chant du silence, un roman noir intimiste et social qui questionne la parenté et l’environnement. L’écrivain revient avec un thriller atmosphérique, L’Ile (Calmann-Lévy), au suspense haletant. L’auteur affine au scalpel la psychologie des personnages, tous complexes. Grâce à une écriture quasi cinématographique, Jérôme Loubry nous emmène sur l'île de Porquerolles cinq ans après la mort de Diane, une mélomane partie trop tôt. Tous les amis de la victime sont là. Julien, compagnon de Diane, entend profiter de cette opportunité pour sonder les cœurs et les âmes. La vérité a un prix, souvent très cher. Le mensonge aussi. Que dire des secrets ? Mortelles sont les retrouvailles. Jérôme Loubry confirme livre après livre, si besoin est, qu’il est une plume qui compte dans le roman noir français. Redoutable.
"L’Ile", Jérôme Loubry, Calmann-Lévy, 21,90 euros
"Cartel 1011 : Les Bâtisseurs" : la folle ambition de Mattias Köping
L’incipit est percutant : "Au début, il n’y avait rien". Mattias Köping se lance dans une entreprise titanesque : une trilogie sur les appétits gargantuesques des cartels. Dans ce premier volet, Cartel 1011 : Les Bâtisseurs (Gallimard), il narre les ambitions démesurées du Clan Hernandez, et ses répercussions en Europe. On n’est pas loin du souffle et de la complexité de Narcos. L’auteur de Les Démoniaques a le souci du détail, ses personnages secondaires ont de l’épaisseur. Le livre, un pavé de 623 pages, se lit comme un roman d’aventures, la violence imprègne chaque page. A l’ère du village global, chaque acte prend une ampleur internationale. Les vies sont broyées par des profits immédiats et les guerres que se livrent les clans pour le contrôle de tous les trafics. "Car nul ne bâtit de nouvel empire sans anéantir les précédents ". Passionnant.
"Cartel 1011 : Les Bâtisseurs", Mattias Köping, Flammarion, 23 euros
"Ce royaume est sombre" : Raphaël Le Scouarnec mitraille
Raphaël Le Scouarnec écrit en salves, il mitraille ses lecteurs de phrases courtes, nerveuses, comme si le temps était compté. Comme si une urgence vitale saisissait tous les personnages. La mort, contrairement à l’espoir, n’est jamais très loin. Tout va très vite dans cette ville assoupie dans une fausse torpeur. Le soleil azuréen cache mal les rivalités, les ambitions voraces, les haines recuites et le désir de vengeance attisé par une mémoire vivace qui dénie au présent l’oubli. Deux familles s’entredéchirent, après avoir été longtemps très proches. Des vies sont broyées, sacrifiées. Quelque chose est pourri dans ce sombre royaume. Raphaël Le Scouarnec mène le lecteur, à grande vitesse, dans l’œil d’un cyclone. Vertigineux.
"Ce royaume est sombre", Raphaël Le Scouarnec, L’Orpailleur, 22 euros
"Milo" de Laurent Combalbert : au bout du suspens
Espionnage, grand banditisme, géopolitique… Milo est un train lancé à grande vitesse. Une chirurgienne membre d’une ONG est enlevée à Port-au-Prince, capitale dévastée d'Haïti. De sa libération dépend un procès important. Qui pour se lancer dans une tentative désespérée pour la sauver ? Le négociateur Stanislas Monville, l’alter ego de l’auteur, est un homme qui évite normalement de mélanger les affaires personnelles et professionnelles. Normalement. D’une plume alerte, Laurent Combalbert décrit une opération tentaculaire et complexe, une course contre la montre digne d’un film d’espionnage. Suspens garanti.
"Milo", Laurent Combalbert, Calmann-Lévy, 21,50 euros
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