"Les Fabuleux exploits des premières sportives" : un livre de Mélina Gazsi pour rencontrer des athlètes "méconnues et oubliées"

À l'heure des Jeux de Paris, 120 portraits racontent le sport au féminin qui s'est distingué notamment pendant les épreuves olympiques et paralympiques.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9 min
Couverture de l'ouvrage de Mélina Gaszi, "Les Fabuleux exploits des premières sportives" édité chez De Boeck Supérieur. (DBS)

Les Jeux de Paris 2024 sont les premiers à être "parfaitement paritaires, présentant autant d'athlètes femmes qu'hommes", soulignait fièrement un communiqué du comité d'organisation. Dans Les Fabuleux exploits des premières sportives (éditions De Boeck Supérieur), Mélina Gazsi permet de faire la connaissance de 120 sportives qui ont ouvert la voie dans leurs différentes disciplines. Beaucoup ont réalisé des performances exceptionnelles pendant les rendez-vous olympiques et paralympiques.

"La plupart d'entre elles restent méconnues et oubliées", souligne-t-on dans l'ouvrage qui offre le plaisir de découvrir leurs visages. C'est la participation des femmes aux Jeux de 1900, les "premières de l'ère moderne" – en réalité les deuxièmes après celles d'Athènes en 1896 – qui leur vaut le qualificatif de "moderne". À Paris, elles sont alors 22 femmes sur 975 athlètes, soit un quart des compétiteurs.

Parmi les pionnières de 1900, des athlètes qui ont participé aux épreuves de tennis, de croquet et de golf. C'est dans cette discipline que se distingue l'Américaine Margaret Abbott. Cette dernière a pourtant ignoré jusqu'à sa mort en 1955, à 77 ans, qu'elle était la première championne olympique de l'histoire en remportant le tournoi de golf féminin. La Britannique Charlotte Cooper décrochera, elle, l'or au tennis. Cette discipline apparaît comme étant le lieu de plusieurs révolutions féministes.

Le court de tennis, une enceinte révolutionnaire

Suzanne Lenglen, qui donne son nom à l'un des prestigieux courts de Roland Garros, est la première star de la petite balle jaune au début du XXe siècle. Elle est championne du monde à 15 ans en 1914 à Saint-Cloud, sur le site actuel de Roland Garros. C'est toujours là que l'Américaine Althea Gibson devient la première joueuse de tennis noire à rafler un titre au Grand Chelem.

Héritage repris à la volée par sa compatriote Serena Williams. Elle a battu "tous les records pendant vingt-cinq ans". Avec ses 23 titres, Williams est "la deuxième joueuse la plus titrée de l'histoire du tennis derrière l'Australienne Margaret Smith Court". Cette dernière est la première tenniswoman à avoir réussi le Grand Chelem entre 1960 et 1973. C'est une autre légende du ballon jaune – 12 titres du Grand Chelem –, qui a permis l'égalité salariale dans ce sport en 1973. L'Américaine Billie Jean King sera la première présidente de la Women's Tennis Association.

L'année 2012 signe une autre révolution. La Britannique Nicola Adams remporte l'or olympique en boxe, l'année où elle est permise pour les femmes. La boxeuse rentre dans l'histoire en suivant les traces d'une autre pionnière et compatriote. Elisabeth Wilkinson est "la première supposée boxeuse" en 1922. Sa discipline est considérée comme "le sport le plus ancien" avec l'athlétisme. Là, l'Américaine Elisabeth Robinson a écrit l'histoire. Elle est devenue la première championne olympique du 100 m en 1928.

La coureuse renouvelle l'exploit en 1936 après avoir échappé miraculeusement à la mort en 1932, après un accident d'avion. En 1996, à 85 ans, elle porte la torche olympique aux Jeux d'Atlanta. Le cérémonial de la flamme a été d'ailleurs réintroduit en 1928, l'année de la première victoire sur le 100 m de Robinson. Et la première femme à avoir eu l'honneur d'allumer la flamme olympique est une autre sprinteuse, la Mexicaine Enriqueta Basilio de Sotelo dans son pays, en 1968.

Championne dans tous les états...

C'est également sur le 100 m que Stella Walsh réalise une performance : passer sous la barre des 12 secondes en 1932 à Los Angeles. Mais à sa mort, en 1980, on découvrira que l'athlète souffrait d'hyperandrogénie comme la Sud-Africaine Caster Semenya. Pour l'Autrichienne Erika Schinegger, la découverte se fait de son vivant et c'est elle qui rend publique l'information sur sa condition biologique qu'elle ignorait jusqu'aux tests réalisés par les instances olympiques. Elle a 19 ans et s'apprête à participer aux Jeux d'hiver de 1968. Un an plus tôt, le CIO fait "pratiquer des tests de féminité afin de déceler d'éventuelles tricheries". La médaillée du championnat du monde de descente féminin de 1966 perdra sa médaille 22 ans plus tard.

En matière de paralympisme, les pionnières sont plus rares compte tenu de l'évolution même du mouvement. L'Italienne Maria Scutti obtient 10 médailles d'or sur 15 lors des Jeux paralympiques à Rome, en 1960. À cette époque, ils sont encore baptisés Jeux de Stoke Mandeville et elle participe à une multitude d'épreuves : de la natation à l'athlétisme en passant par le tennis de table. Autre exploit, celui de la Néo-Zélandaise Neroli Fairhall. Elle est la première athlète en situation de handicap à avoir participé aux Jeux paralympiques de 1972 et à se qualifier pour les épreuves olympiques de tir à l'arc, en 1984, dans son fauteuil roulant.

...et à tout âge

La doyenne des championnes olympiques, Agnès Keleti, a célébré ses 103 ans en janvier 2024. La Hongroise est cinq fois médaillée d'or en gymnastique. La Britannique Queenie Hall a réussi à décrocher la médaille d'or au tir à l'arc à 54 ans. Ce qui fait d'elle la championne olympique la plus âgée dans l'histoire de l'olympisme au féminin. À l'autre bout de la pyramide des âges, l'Américaine Marjorie Gestring. À 13 ans et huit mois, elle remporte l'épreuve olympique du plongeon à 3 mètres à Berlin en 1936. La Roumaine Nadia Comaneci appartient à cette cohorte d'athlètes précoces. En 1976, au Canada, elle a obtenu la note parfaite en gymnastique aux épreuves de barres asymétriques, à savoir 10. Une performance qui a aussi affolé les machines pendant ces Olympiades.

Ces cyclistes ont, elles aussi, affolé les chronomètres. L'Américaine Marina Martin est la première femme à gagner le Tour de France en 1984. Une inspiration pour une autre pionnière : la Française Jeannie Longo, médaillée d'or aux JO d'Atlanta en 1996, remportera la plus grande épreuve cycliste du monde trois fois (de 1987 à 1989). Elle s'inscrivait dans les roues de la Britannique Millie Robinson, première femme à avoir remporté le premier tour de France féminin de l'histoire du cyclisme en 1955.

Presque au sommet du mouvement olympien

La révolution des femmes dans le monde de l'olympisme se mesure aussi aux responsabilités qui leur sont confiées dans les instances dirigeantes du Comité international olympique (CIO). La Vénézuélienne Flor Isava Fonseca et la Finlandaise Pirjo Hâggman sont élues grâce à la détermination de José Antonio Samaranch, qui arrive à la tête du CIO en 1981. Dans les années 1990, Flor Isava Fonseca devient la première femme à siéger au comité exécutif du CIO. "Il s'est trouvé parmi nous des hommes pour soutenir notre cause", soulignait-elle.

En dépit de son geste, José Antonio Samaranch n'avait pas grand-chose à envier à Pierre de Coubertin, l'inventeur des Jeux modernes. Le Français estimait que les femmes n'avaient pas droit de cité dans cette grande arène sportive mondiale. José Antonio Samaranch avançait, lui, que le CIO n'était pas prêt à accueillir une femme à sa tête. Alors même qu'en 1997, l'Américaine Anita L. De Frantz était devenue la première femme vice-présidente du Comité. En 2000, la deuxième conférence du CIO, organisée à Paris, a pour thème femme et sport. On y récompensera l'action des femmes dans le sport. Il sera également décidé que le mouvement olympique "doit réserver " pour fin 2005 "au moins 20% des postes dans toutes ses structures ayant un pouvoir de décision". Un objectif qui a été dépassé : "47,7% des postes au sein des 30 commissions [CIO] sont occupés par des femmes, contre 45,4% en 2019", indiquait un communiqué en 2020.

Paris, cité de l'olympisme au féminin

En 2024, la France se retrouve au cœur du mouvement olympique un siècle après les Jeux de 1924. Elle abrite Marie-José Pérec, la seule sportive à être trois fois championne olympique. Dans l'histoire du skate, confirmée à Paris comme discipline des JO, il y a l'Américaine Elissa Steamer qui est devenue la première femme professionnelle de ce sport. La Japonaise Momiji Nishiya est, quant à elle, la première championne olympique de skateboard. Récompense qu'elle a décrochée en 2021 dans son pays. Sa compatriote Ayumi Fukushima, alias B-Girl Ayumi, est la première femme à avoir participé aux finales mondiales du Red Bull BC One, la plus grande compétition de breakdance, discipline olympique à Paris. Engagée pour Paris 2024, elle y célébrera ses 40 printemps.

Dans les pionnières, il y a aussi celles qui laissent leur empreinte au-delà du sport en réinventant leur discipline. À l'instar de la Française Surya Bonaly, qui fait partie des rares femmes noires ayant compté dans l'histoire du sport mondial. La patineuse invente un salto arrière avec réception sur un pied, un mouvement auquel elle a recours pour éviter la douleur ressentie à son tendon d'Achille à cause d'une blessure. Elle réalise sa performance aux JO de Nagano au Japon en 1988. La Canadienne Debbie Brill est, pour sa part, la créatrice du "Brill-Bend", un saut inventé en 1965. Il consiste à passer la barre de saut en hauteur sur le dos.

L'art de conjuguer sport et activisme

Dans l'éclosion du sport au féminin, il y a également les activistes comme la footballeuse américaine Megan Rapinoe. Médaillée olympique à Londres en 2012, elle est aux avant-postes de la lutte que mène le football féminin pour obtenir l'égalité salariale. Elle est sur tous les fronts, y compris la lutte contre le racisme. "Étant homosexuelle, je sais ce que veut dire regarder le drapeau américain en étant consciente qu'il ne protège pas toutes les libertés." Parmi les militantes, on retrouve également la Française Alice Milliat qui organise en 1922 l'équivalent féminin des JO, les Jeux mondiaux féminins.

La militante serait heureuse de constater les progrès faits au niveau du football féminin. La Norvégienne Ada Hegerberg est la première footballeuse à avoir décroché le Ballon d'or en 2018. Toujours du côté du ballon rond, la Française Stéphane Frappart a été la première femme à avoir arbitré un match de coupe du monde de foot masculin en 2022.

Autant de femmes et de disciplines sportives qui ont changé la face des épreuves olympiques et paralympiques. Et c'est sans compter les navigatrices, dont la Française Florence Arthaud qui est la première à avoir gagné la Route du Rhum en 1990. Ou encore Hélène Boucher, la première aviatrice championne du monde de vitesse en 1934. Et puis, contrairement aux préjugés, les femmes sont bien des as du volant. Comme l'a démontré l'Italienne Maria Teresa de Filipis, championne d'un grand prix de F1 en 1955 sur le circuit belge de Spa-Francorchamp où elle a terminé la course à la 10e position. Mais elle était la première femme dans le classement. Une métaphore du combat pour faire exister le sport féminin : une présence permanente sur le circuit.

"Les Fabuleux exploits des premières sportives" de Mélina Gazsi (De Boeck Supérieur), 29,90 euros

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