Littérature jeunesse : comment le salon de Montreuil fait "des parents des alliés sur le chemin de la lecture"
"C'était bien", résume le garçonnet de 7 ans qui vient de recevoir jeudi 14 novembre, dans les locaux de l'association Lez'Arts dans les murs, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), l'une des 3 500 "Boîtes à magie littéraire" que la Caisse d'allocations familiale de la Seine-Saint-Denis distribue en partenariat avec le Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ). "J'aime un peu lire", confie l'enfant qui bénéficie du programme d'aide à la scolarité "L'école buissonnière" de l'association montreuilloise, tout en soulignant qu'il "aime les histoires de maman". "C'est génial", affirme cette dernière en parlant de cette "Boîte" imaginée par le SLPJ. "Elle nous apporte de nouveaux livres", poursuit-elle. "C'est une aide pour nous, les parents, parce que l'on n'a pas toujours le temps d'emmener les enfants à la bibliothèque", explique une autre mère dont les enfants de 9 et 6 ans sont inscrits à l'aide au devoir proposé aux primaires par Lez'Arts. Et puis, poursuit-elle, "on peut, peut-être acheter un ou deux livres, mais pas tous les livres".
Le Salon du livre et de la presse jeunesse est un événement ponctuel qui s'inscrit dans une vision plus large que résume Pascaline Mangin, en charge du pôle Publics et médiations : "Assurer l'égalité d'accès de tous à la littérature jeunesse." "S'assurer que tout le monde puisse découvrir sa richesse", poursuit-elle, en accompagnant "non seulement les enfants et les adolescents, mais aussi en faisant des parents des alliés sur ce chemin vers la lecture". Le Salon de Montreuil dispose ainsi de deux programmes phares dans ce sens : la "Boîte à magie littéraire", qui concerne le département de la Seine-Saint-Denis, et "Des Livres à soi" mené au niveau national.
Des outils de médiation à la maison
Distribuées de la mi-octobre à début novembre 2024 à 350 familles dans 32 villes du département de la Seine-Saint-Denis, les "Boîtes" contiennent un joli nécessaire à lire créé par les artistes Eva Offredo et Alex Cousseau. Jeux et livres autour du rêve, la thématique du livre de la 40e édition, ainsi qu'un kit de lecture-écriture la composent. "Quatre beaux livres neufs achetés auprès d'une vingtaine de librairies de Seine-Saint-Denis, ce qui permet de les soutenir", note Pascaline Mangin.
La bande dessinée en 3D, JeanJambe et le mystère des profondeurs (Éditions 2024), livrée avec des lunettes pour la lire a beaucoup plus aux petits bénéficiaires le 14 novembre. Comme Rose, 8 ans, accompagnée par son papa. C'est la troisième fois qu'elle reçoit une "Boîte". Elle n'est pas la seule dans la fratrie en avoir bénéficié, confie son père qui évoque ses aînés. Pour Rose, c'est l'occasion de continuer à lire encore "beaucoup chez (elle)".
"L'opération a été lancée en 2020, au moment du Covid, afin de remettre le livre au cœur de la maison, de créer une action de soutien à la parentalité et de permettre aux enfants de s'habituer aux livres", rappelle Aminarta Maïga, la directrice générale adjointe de la CAF de la Seine-Saint-Denis. Un millier de "Boîtes" avait été alors distribué dans le cadre du programme baptisé CLAS (Contrat local d'accompagnement à la scolarité) à destination des centres sociaux et des associations "qui accompagnent les jeunes et les familles sur le territoire", précise Pascaline Mangin.
Le "succès de la première année" a montré "qu'il y avait un besoin qui n'avait pas été identifié avant, celui d'avoir chez soi des outils de médiation", en complément d'autres. Avec la CAF, une action est aussi destinée aux collégiens et aux lycéens qui bénéficient également d'un accompagnement scolaire. "Ils reçoivent des chèques-lire pour acheter des ouvrages et peuvent réaliser des entretiens radio d'artistes dans un vrai studio dans le cadre de l'opération "Au salon comme à la maison".
"Des passeurs auprès de leurs enfants"
"Quand il s'agit de la lecture pour les petits, ce n'est pas une question individuelle, mais une question sociale parce que cette lecture se fait en famille, à l'école, en bibliothèque… Elle se fait en incluant des relations sociales et cette dimension sociale de la lecture est absolument indispensable", souligne Sylvie Vassalo, la directrice du Salon du livre jeunesse. "Le temps passé ensemble, les émotions construites ensemble sont ce qui nous constitue comme être social. Et le livre est un objet déterminant dans ce processus."
Faire la promotion de ce moment littéraire et social, c'est aussi la vocation "Des livres à soi", programme qui fait la part belle aux parents, du moins dans leur capacité à transmettre le réflexe lecture à leur progéniture. Il est actuellement mené dans 138 villes de 63 départements de 18 régions en France. "C'est un dispositif pour redonner confiance aux parents dans leur capacité à raconter des histoires à leurs enfants quelle que soit leur compétence lecture et même s'ils n'ont pas accès à l'écrit", explique Pascaline Mangin. "L'idée, c'est de les accompagner afin qu'ils se fassent leur propre expertise et qu'ils deviennent des passeurs auprès de leurs enfants." Pour ce faire, le SLPJ forme des professionnels dans chacun de ces territoires et depuis, certains parents sont devenus eux-mêmes des formateurs. "Plus de 3 000 professionnels" ont été ainsi formés depuis la naissance du projet en 2018.
"Nous sommes d'abord une association d'ingénierie de médiation littéraire", insiste Sylvie Vassalo pour faire comprendre pourquoi sa structure s'appuie sur les acteurs qui sont sur le terrain. "Nous avons énormément de contacts complices avec ceux qui le sont avec les enfants afin qu'ils puissent utiliser le livre au quotidien dans leurs actions. C'est cela notre modalité d'action et c'est là que réside, pour nous, l'efficacité."
Un salon qui vient à tous
"Il y a 13 millions de personnes qui sont en difficulté de lecture en France, en cumulant les raisons liées aux situations de handicap, à l'illettrisme, aux questions sociales et symboliques. Cela montre que la question de l'ambition de la lecture reste un horizon à conquérir", ajoute Sylvie Vassalo, à condition de "travailler sur les domaines spécifiques qui sont touchés, notamment la question du handicap."
"C'est pour cela que l'on est aussi déterminé sur le sujet", poursuit-elle, "mais il reste beaucoup de travail à faire pour que ce public ait le même accès aux œuvres comme tous les autres". Fort de ce constat, le Salon du livre jeunesse a innové pour célébrer ses quatre décennies d'existence en développant "une accessibilité universelle". En d'autres termes, penser le salon pour qu'il soit vraiment accessible à tous à travers plusieurs dispositifs.
De même, l'exposition de cette année, baptisée "A tous sens" est "une traduction dans les cinq sens des albums de littérature jeunesse qu'on adore". Par exemple, précise Sylvie Vassalo, "on va sentir des odeurs qui sont des odeurs que cette histoire nous a évoquées, on va en toucher les objets ou encore entendre une bande-son de qui va nous mettre dans l'ambiance".
Les bénéficiaires de tous les programmes du SLPJ se retrouvent sur le salon. "Le salon est à la fois une action concrète et une vitrine de nos ambitions culturelles", résume sa directrice. "Nous sommes un salon engagé pour la démocratie culturelle" pour laquelle l'accès au livre est essentiel, selon elle. Elle n'est pas la seule à le penser. "On adore (l'opération "Boîtes à magie littéraire") et on va au salon du livre", confirme Laura Pfohl, responsable du CLAS aux Lez'Arts.
"Pendant toute sa durée, indique Pascaline Mangin, on accueille 1 200 groupes comprenant des scolaires, des groupes de centres de loisirs, de centres sociaux, d'associations, de structures médico-sociales et des groupes de familles." Des invitations sont données à tous les enfants et les jeunes afin "qu'ils fassent revenir leurs parents", notamment le week-end, "même si le salon est 100% gratuit cette année". Un geste "symbolique" au service d'une ambition réitérée par Pascaline Mangin : "Que le meilleur de la littérature jeunesse parvienne à tous les publics."
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