Lucette Destouches, la femme de Louis-Ferdinand Céline, est morte à l'âge de 107 ans
La danseuse Lucette Destouches avait sacrifié sa vie à Céline. Elle est morte à l'âge de 107 ans
Lucette Destouches, la veuve de Louis-Ferdinand Céline, est morte dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 novembre, a annoncé David Alliot, spécialiste de l'oeuvre de l'écrivain. "Lucette Destouches est décédée paisiblement cette nuit dans son sommeil", a-t-il indiqué. Elle avait sacrifié sa vie à Céline, plaidant sans relâche pour que la postérité soit indulgente avec son mari qui ne lui avait pourtant pas rendu l'existence facile.
"C'était ma féerie", écrivait à propos de sa femme Lucette Destouches l'auteur du Voyage au bout de la nuit (1932) et de Mort à crédit (1936), mais aussi de pamphlets violemment antisémites. Elle s'était longtemps opposée à leur reparution pour y consentir en 2017. Mais le projet de Gallimard a finalement été reporté sine die.
Lucette Destouches était lumineuse et drôle, discrète et originale. Ses cheveux blancs encadraient un visage aux traits longtemps épargnés par le temps, comme sa silhouette forgée par la danse, arrêtée à plus de 85 ans.
"C'est Céline qui importe, moi je ne suis rien"
Madame Céline (titre d'un livre-hommage qui lui a été consacré pour son centenaire) n'avait plus voulu voir de caméra depuis la fin des années 1960. "C'est Céline qui importe, moi je ne suis rien", assurait-elle.
C'est en 1935 que Louis-Ferdinand Céline (né Destouches et qui a choisi comme nom de plume le prénom de sa grand-mère) rencontre une jeune et gracieuse danseuse, Lucette Almanzor, née à Paris le 20 juillet 1912. Il a 41 ans et l'intimide. Le couple se voit peu pendant un an puis tombe amoureux.
L'écrivain, qui a dédié le Voyage à une danseuse, l'Américaine Elizabeth Craig, considère cette discipline comme un rempart contre la lourdeur (des gens mais aussi du style littéraire) qu'il hait. Lucette lui donne sa gaieté et sa jeunesse, en échange, selon son expression, de "sa tête d'homme qui a vécu".
Elle le regardait écrire
"C'est par sa bonté, immense, qu'il m'a le plus touchée", expliquait-elle. Pour lui, "Lili", comme il l'appelle, va cesser les tournées à l'étranger qu'elle effectuait au sein d'une compagnie réputée. Pendant ces années d'avant-guerre, elle le regarde écrire de manière obsessionnelle : "Il pouvait rester des heures, des jours sur un mot. Jusqu'à ce qu'il l'entende tomber comme il faut. La littérature, on n'en parlait pas, la musique non plus. On était ensemble avec elles et c'était le plus important."
En février 1943, il l'épouse à la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. Le couple quitte Paris en juin 1944 pour l'hallucinante traversée d'une Allemagne en flammes et tente de passer au Danemark où Céline a déposé de l'or. En octobre, accompagnés du chat Bébert et de l'acteur Robert Le Vigan, ils parviennent à Sigmaringen. Ce sera le sujet de pages fameuses dans l'oeuvre de l'écrivain (D'un château l'autre, 1957). En mars 1945, les Destouches réussissent à atteindre Copenhague malgré les bombardements. Suivent six années de chaos où, entre autres épreuves, Céline connaît la prison.
Louis et Lucette rentrent en France en 1951. Au 25 ter, route des Gardes, à Meudon (Hauts-de-Seine), elle ouvre un cours de danse. Une plaque indique : "professeur de danse classique et de caractère". Des décennies plus tard, des élèves se diront bluffés par "ce qu'elle pouvait faire avec son ventre, à 80 ans passés".
Elle parlait toujours de Céline au présent
La vie auprès d'un génie n'est pas toujours drôle mais la danse aide Lucette à tenir. Anxieux perpétuel, ermite-clochard entouré d'animaux, Céline râle, ne sort pas, mange mal, se bourre de barbituriques. Silencieux, il est soudain capable de longues imprécations. Tous les soirs, il lui lit ses dernières pages. Elle trouve qu'il écrit trop souvent "merde". Il répond que "les gros mots, c'est nécessaire" dans les livres. De toute façon, en général, il parle tout seul. Des personnalités passent la voir ou le voir, ce qui est plus difficile.
Lucette Destouches parlait toujours de Louis au présent, longtemps après sa mort, survenue en 1961, à 67 ans. "Je comprends qu'on ne soit pas d'accord avec lui", assurait-elle à ceux qui s'épuisent à comprendre comment on peut être aussi "bon" et écrire des livres aussi haineux. Comme si elle avait donné raison à l'écrivain François Nourissier : "Admirez Céline, ne le défendez pas."
La maison de la route des Gardes à Meudon avait été vendue en 2018 mais elle gardait le droit d'y habiter. Sur la tombe de Céline, à Meudon, elle avait fait inscrire sous le nom de son mari : "Lucie Destouches née Almansor, 1912-19...". Elle n'avait pas prévu de vivre au-delà du XXe siècle, elle lui aura finalement survécu près de vingt ans.
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