Maître Corbeau tenait dans son bec... un brie de Melun ?

L'information - si c'en est une - produira-t-elle une petite révolution dans le monde littéraire ? Difficile pour l'instant, de mesurer les effets d'un tel séisme : on aurait identifié le fromage que tenait dans son bec le corbeau benêt de Jean de La Fontaine.

Pour ceux qui auraient trop joué avec leurs gommes ou leurs capuchons de stylos pendant certains cours, petit rappel :

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
etc... (la suite n'est pas difficile à trouver, débrouillez-vous, ndlr).

Ce fromage à l'odeur alléchante serait donc... un brie de Melun. c'est du moins la confrérie du brie de Melun qui le dit. Certaines mauvaise langues du monde du fromage trouveront sans doute que les découvreurs sont un peu juges et parties. Mais la confrérie avance des arguments :

1/ La Fontaine connaissait ce fromage car il fréquentait les parages du Melun. Grand ami du surintendant des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, il a fait plusieurs séjours au château voisin de Vaux-le-Vicomte, avant que ledit Fouquet n'ait maille à partir avec d'Artagnan, sur l'ordre du roi.

2/ Histoire de clouer le bec de leurs confrères et néanmoins amis du brie de Meaux, les Melunais affirment que leur fromage correspond à la taille de celui que tient le corbeau sur les gravures de l'époque. Le brie de Meaux serait trop grand, il serait tombé tout seul du bec du corbeau et le renard n'aurait pas eu besoin de ruser.
_ En plus, plus épais et plus salé que son cousin de Meaux, le brie de Melun aurait une odeur plus forte... Qui passe pour alléchante aux nez des amateurs.

3/ Le brie de Melun existait déjà au XVIIème siècle. Il est en effet âgé de 1.000 ans, contrairement au camembert par exemple, ou d'autres fromages plus récents.

Face à ces arguments, les spécialistes de La Fontaine ne démentent pas. Le musée de Château-Thierry, ville de naissance du poète, admet que la chose est possible, tout en rappelant que la fable est inspirée du poète grec Esope. Mais le corbeau d'Esope, lui, avait chipé de la viande.

Le débat n'est donc peut-être pas clos. Quoi qu'il en soit, le brie de Melun, petite appellation à 300 tonnes par an, produit uniquement à partir de lait de vaches de Seine-et-Marne et de certains cantons de l'Yonne et de l'Aube, s'offre une belle publicité. La suite de la fable ne dit pas s'il en tirera des bénéfices.

Grégoire Lecalot, avec agences