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Mario Vargas Llosa, reçu à l'Académie française, critique la Russie de Poutine dans son discours d'intronisation

L'écrivain péruviano-espagnol Mario Vargas Llosa a loué jeudi 9 février dans son discours de réception, la littérature française, tout en critiquant la Russie de Vladimir Poutine.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Mario Vargas Llosa pose pour une photo lors d'une cérémonie d'intronisation à l'Académie française le jeudi 9 février (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Premier à entrer à l'Académie française sans avoir jamais écrit directement dans la langue de Molière, Mario Vargas Llosa a déclaré dans son discours de réception comme membre de cette assemblée, "Le roman sauvera la démocratie ou s'abîmera avec elle et disparaîtra." Le romancier, prix Nobel de littérature en 2010 a fait l'éloge de la littérature française citant Gustave Flaubert, Victor Hugo, Émile Zola ou encore Jean-Paul Sartre.

Mario Vargas Llosa en a profité pour critiquer la Russie. "Il restera toujours - comment en douter ? - cette caricature que les pays totalitaires nous vendent comme romans, mais qui n'existent qu'après avoir traversé la censure qui les mutile, afin d'étayer les institutions fantasmagoriques de semblables singeries de démocratie dont nous donne l'exemple la Russie de Vladimir Poutine", a-t-il avancé.

Eloge de Michel Serres

La russophilie d'autres membres de l'Académie française a été critiquée par une enquête de l'hebdomadaire L'Obs publiée ce jeudi 9 février et visant entre autres, la secrétaire perpétuelle Hélène Carrère d'Encausse. Cette historienne spécialiste de l'Union soviétique, jusqu'aux jours précédant l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe en février 2022, disait ne pas croire un instant à cette éventualité.

Mario Vargas Llosa, élu à l'Académie en novembre 2021, est le premier à y entrer sans avoir jamais écrit de livre en français. Il a expliqué dans son discours son amour ancien pour la culture française, qui l'avait poussé à immigrer à Paris à 23 ans, en 1959. Et il a prononcé, comme le veut l'usage, l'éloge de son prédécesseur au fauteuil 18, le philosophe Michel Serres, décédé en 2019.

L'écrivain a montré qu'il ne craignait pas la polémique en invitant à Paris à cette occasion l'ancien roi d'Espagne Juan Carlos, qui est arrivé sur place dans un fourgon noir aux vitres teintées peu avant 14H45, a constaté un journaliste de l'AFP.

Intérêt particulier pour le romancier

L'ex-chef d'Etat espagnol a été reçu par Xavier Darcos et Hélène Carrère d'Encausse, qui lui ont serré la main. Celui-ci vit en exil depuis 2020 aux Émirats arabes unis. Dans son pays, sa popularité s'est effondrée après une série de scandales, dont une plainte pour harcèlement d'une ancienne maîtresse, Corinna Larsen, des révélations sur son train de vie fastueux et une chasse à l'éléphant au Botswana.

La candidature de Vargas Llosa à l'Académie française avait fait l'objet de soins particuliers. Non seulement il écrit en espagnol, mais en plus il avait dépassé de dix ans la limite d'âge. Mais le résultat a presque été un plébiscite : 18 voix pour lui, une seule pour un rival, un blanc, deux nuls. Or, sur les trois élections qui ont eu lieu ensuite à l'Académie française, seule une a permis de faire entrer un "Immortel", le professeur au Collège de France Antoine Compagnon, tandis que les deux autres ont été infructueuses faute de majorité absolue pour un candidat.

La secrétaire perpétuelle de l'Académie dit n'avoir eu qu'à se féliciter d'accueillir cet écrivain à la renommée mondiale. "Il est très intéressé. Il demande tout le temps qu'on lui envoie des choses, il est sur le site internet, il nous fait des commentaires en permanence. Ça le passionne", disait-elle à l'AFP en février 2022.

Mario Vargas Llosa avantagé par le Nobel

Vargas Llosa avait l'avantage inestimable de son prix Nobel. L'Académie n'avait plus accueilli de lauréat de cette récompense depuis celui remis en 1952 à François Mauriac (membre de 1933 à 1970). Fait unique : l'auteur de La Fête au bouc est membre de trois académies linguistiques, ayant été élu à l'Académie péruvienne de la langue en 1977, et à l'Académie royale espagnole en 1994.

Mario Vargas Llosa est controversé en Amérique latine pour ses positions droitières, dans une région où de très nombreux gouvernements sont de gauche. D'autres étrangers l'ont précédé à l'Académie française. Le premier avait été un Américain, Julien Green en 1971, qui ne souhaita jamais devenir Français. Dany Laferrière, élu en 2013, est Canado-Haïtien. L'Académie, institution chargée depuis 1635 de défendre la langue française et de rédiger un dictionnaire, compte 40 fauteuils. Cinq restent à pourvoir.

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