"On a tiré sur le président" de Philippe Labro : les clés d'un succès
Le 22 novembre 1963, Philippe Labro, jeune journaliste, est aux Etats-Unis pour tourner un magazine pour "Cinq colonnes à la Une". France-Soir, son autre employeur, lui demande de tout lâcher et de rejoindre Dallas où le président vient d’être victime d’un attentat. Au volant d’une voiture de location, il fonce vers le Texas. Il sera l’un des deux journalistes français présents sur place quelques heures seulement après le drame.
Un demi-siècle plus tard, Philippe Labro rassemble les souvenirs qu’il a laissés mûrir. Le recul est profitable, et l’expérience d’une carrière bien remplie lui donne d’autres lectures des événements. Pas de révélations dans ce livre passionnant mais les croquis précieux d'un homme qui connaît bien l’Amérique et qui a vécu en première ligne ces moments incroyablement intenses.
Labro ne se donne pas exagérément le beau rôle. Lui qui campe dans les couloirs de la police de Dallas, qui discute avec Jack Ruby, va rater la scène de crime pour une erreur de débutant.
Ne pas trahir le pétrole
Ce livre-promenade dans l’Amérique des années 60 n'est pas une enquête de plus sur JFK. Au delà de la mort du président, il en dit long sur l'esprit et les mœurs des États Unis. Par exemple, le récit de son dîner chez des riches texans au lendemain de l'assassinat est assez étonnant. "Si j’ai bien compris, lui glisse l’épouse d’un pétrolier local, vous êtes venu pour rapporter sur l’incident ?". Un convive s’indigne : "Ce n’est pas incident, c’est une tragédie - Bien entendu, mon cher…". Et se retournant vers Labro "Vous savez, cet affreux petit communiste qui a tiré sur Kennedy, il ne représente en rien notre ville". Un peu plus tard, les invités se lâchent : "Lyndon (Johnson, le successeur texan de JFK qui vient de prêter serment) continuera à préserver notre niche fiscale, vous n’imaginez tout de même pas qu’il va trahir le pétrole !".
Philippe Labro porte un regard très fin sur la personnalité de Kennedy. Sans en rajouter sur les aspects "croustillants" de sa saga, frénésie sexuelle, cynisme ou amitiés douteuses, sur lesquels tout a été écrit désormais. JFK était aussi cet homme qui pensait et parlait de la mort chaque jour. Labro établit autour de lui une mosaïque passionnante.
Une affaire de losers
Sur les hypothèses, Labro en arrive lui aussi à une conclusion non-conspirationniste. Pas de complot. Sa seule théorie, au final : Oswald, le loser frustré s’est offert Kennedy, incarnation flamboyante de la réussite : le pouvoir, les femmes, l’argent, le charisme, la beauté... Et c’est Ruby, un autre raté qui se pousse du col, qui “venge” son héros JFK en liquidant Oswald, persuadé que l’Amérique le remerciera de son acte ! C’est à la fois incroyable... et l’unique hypothèse qui tienne le choc. Le grand écrivain Norman Mailer a bien résumé : "J'aurais bien aimé qu'il y ait une conspiration, ça nous aurait tous arrangés. J'ai cherché, je n'ai pas trouvé".
256 pages – 20,00 €
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