Paola Pigani fait vivre l’histoire tragique des manouches
En 1940, l’Etat français applique la dure consigne des nazis interdisant la circulation des nomades en temps de guerre. Et c’est ainsi que la jeune Alba voit se refermer derrière elle et les siens les portes du camp d’internement des Alliés, au sud d’Angoulême, en novembre 1940. Commencent alors six années de souffrance et d’apprentissage des rudesses de la vie pour cette jeune fille de 14 ans.
Paola Pigani nous fait partager les multiples difficultés de ces reclus forcés de la société française des années 40. La faim, le froid, le mépris voire l’oubli engendré par les restrictions de la guerre à l’extérieur même du camp rendent quasi intenable la vie de ces grandes familles tsiganes. Ces enfants du vent et de la liberté perdent tout repère. Symbole de leur vie nomade, leurs roulottes et leurs chevaux vont être vite confisqués. Leur installation sous un toit de baraque rend leur situation, désormais sédentaire, d’autant plus difficile à accepter qu’elle rompt avec leur mode de vie.
Pourtant dans ce monde violent, les hommes et les femmes organisent une survie. Cet état d’esprit, de vie au jour le jour si propre aux tsiganes, les a sans doute aidés à traverser ces épreuves.
Par l’intimité des situations, Paola Pigani nous fait partager ces six longues années douloureuses, jalonnées de morts, de naissances et d’apprentissages amoureux dans ce camp des oubliés. Pas de plainte, peu de pleurs mais toujours des petits riens, des gestes, des débrouillardises qui nous font sentir le courage silencieux de ces hommes et de ces femmes internés.
La connaissance de cette communauté acquise par les rencontres de Paola Pigani lors de son adolescence nous ouvre les yeux sur la force, la fierté de ce peuple qui n’avait rien demandé. Page après page, elle nous fait vivre cet épisode oublié de la sombre histoire de France des années 40. Avec pudeur, comme pour respecter le proverbe dont elle a fait le titre du livre, Paola Pigani a quitté ses chaussures pour nous faire pénétrer à pas discrets dans la mémoire des manouches.
« N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures »
de Paola Pigani, éditions Liana Levi
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