Parution de la correspondance sulfureuse de Morand et Chardonne
Considéré comme l'un des plus grands auteurs du XXe siècle quand il entre à l'Académie française en 1969, Paul Morand (1888-1976) avait été un collaborateur du régime de Vichy et son ambassadeur à Bucarest (1943) et à Berne (juin 1944). L'auteur de "L'homme pressé" sera révoqué en 1945, contraint à l'exil en Suisse et mis à l'index par le Comité national des écrivains avant de sortir du purgatoire. Il créera de nouveau la polémique avec son "Journal inutile", sorti 25 ans après sa mort.
Quant à Jacques Chardonne (1884-1968), auteur des "Destinées sentimentales" et l'un des écrivains salués par François Mitterrand, il fut du voyage à Weimar en 1941 sur l'invitation de Goebbels, avec Drieu la Rochelle, Marcel Jouhandeau, Ramon Fernandez, Brasillach et André Fraigneau. En 1944, il est arrêté et incarcéré. Mais l'instruction se termine par un non-lieu en juin 1946.
"Après nous le déluge"
Dès 1957, les deux pères spirituels des Hussards rêvaient à la publication posthume de cette correspondance et avaient donné des instructions pour sa divulgation: "Nos lettres pourraient être publiées, en l'an 2000, sous le titre "Après nous le déluge", non ?", disent-ils. Comme l'écrit Gallimard, "Le lecteur devra affronter des sorties nourries par les préjugés de l'époque et une éducation bourgeoise, par le snobisme de Morand ou la sévérité de Chardonne et surtout par leur volonté farouche de s'exprimer librement".
A travers leur amitié, deux styles de vie et deux caractères s'affrontent : le flamboyant styliste Morand court le monde, Chardonne, écrivain "d'une concision lumineuse", bouge peu de son jardin de La Frette (Val d'Oise). Et "leur style se change parfois en arme lourde et néfaste", reconnaît Gallimard.
Pas de censure
Les passages à teneur homophobe ou antisémite de leurs échanges n'ont pas été censurés, assure l'éditeur. En tous cas, cette correspondance est un formidable témoignage sur l'histoire littéraire, la vie politique et mondaine du XXe siècle. Et les deux complices ont la dent dure à l'égard de la plupart de leurs contemporains.
L'ensemble de ces 5.000 pages avait été déposé à la Bibliothèque de Lausanne et l'édition confiée à Gallimard. Un travail de titan: 800 lettres sont proposées dans ce premier des trois tomes prévus.
Correspondance de Paul Morand et Jacques Chardonne Tome 1 : 1949-1960
Préface de Michel Déon
Gallimard - 1.168 p. - 46,50 euros - parution le 25 novembre
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.