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Pierre Bergé vend sa bibliothèque : "Il faut savoir se débarrasser des choses"

Pour n'importe quel amoureux des livres, la collection de Pierre Bergé donne le vertige. La première édition des Confessions de Saint-Augustin (1470), l'édition originale des Essais de Montaigne (1580) n'y seront bientôt plus. L'homme d'affaires vend sa bibliothèque le 11 décembre chez Drouot à Paris
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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"Pantagruel" de Rabelais
 (France 3 / Culturebox)

"Il faut savoir se débarrasser des choses", dit Pierre Bergé en recevant l'AFP dans sa bibliothèque, chez lui, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. La vente de la bibliothèque personnelle de Pierre Bergé, la première d'une série de six qui s'étaleront jusqu'en 2017, aura lieu le 11 décembre chez Drouot à Paris.

Au total, plus de 150 livres sur un total de quelque 1.600 ouvrages, partitions musicales et manuscrits précieux du XVe au XXe siècle seront dispersés lors de cette première vente. Pourquoi vendre ce trésor? "J'ai 85 ans, c'est la première des raisons", répond l'investisseur et mécène. "C'était prévu depuis longtemps", assure Pierre Bergé.

Dans son testament, confie-t-il, il avait prévu de léguer sa bibliothèque à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent avec, insiste-t-il, "consigne absolue de la vendre dans une vente aux enchères". En 2009 déjà, il s'était séparé de sa collection d'oeuvres d'art et de mobilier.

Reportage: Pascale Sorgues, Jean-Yves Blanc, Arlette Le Luhem



"Je n'ai rien regretté", assène-t-il avant d'admettre qu'"un petit Degas admirable, "Paysage d'Italie vu par une lucarne" et "Le portrait d'un homme tenant un livre" de Franz Hals lui manquent. Mais, ajoute-t-il aussitôt, il est heureux de croiser parfois "ses" tableaux lors d'expositions publiques.

Les mêmes en poche

Des 188 ouvrages prévus à la vente, il a choisi d'en retirer quatre du catalogue. "Maximes et Pensées" (1795) de Chamfort, relié pour Stendhal "qui l'a abondamment annoté", sera finalement offert par Pierre Bergé au centre Stendhal de la Bibliothèque municipale de Grenoble.

Il était estimé entre 200.000 et 300.000 euros. Le jeu d'épreuves corrigées par Verlaine pour la deuxième édition de son recueil "Les poètes maudits" (1888, 300.000/400.000 euros) sera offert à la Bibliothèque nationale de France (BnF) et une édition originale du "Docteur Pascal" (1893, 60.000/80.000 euros) avec une dédicace de Zola à la mère de ses deux enfants sera offert à la Maison de Zola à Médan.

Surtout, Pierre Bergé a accepté de faciliter la vente directe du manuscrit de "Nadja" (1927), le chef d'oeuvre d'André Breton, à la BnF "en raison de l'importance patrimoniale majeure de ce manuscrit".
Manuscrit de Sade sauvé in extremis

Ce lot constituait l'estimation la plus élevée de la vente (entre 2,5 et 3,5 millions d'euros). "Quand je l'ai acquis, à Londres il y a des années, j'avais l'impression d'avoir un morceau de la Croix", se souvient Pierre Bergé. 

Tout le reste de la bibliothèque dont une édition originale de "Madame Bovary" (1857) de Flaubert dédicacé "au maître" Victor Hugo (entre 400.000 et 600.000 euros) sera vendu à l'encan. "Voilà un livre qui me tient particulièrement à coeur, comme "Les Essais de Montaigne", dit pourtant le collectionneur.
  (France 3 / Culturebox)

Parmi les oeuvres proposées se trouve aussi le seul cahier manuscrit sauvé de l'autodafé des "Journées de Florbelle" du marquis de Sade (entre 300.000 et 400.000 euros). "Mes livres vont circuler au cours des générations (...) J'espère que les gens seront contents, dans 50, 80 ans de trouver mon ex-libris", se réjouit Pierre Bergé. Si d'aventure un des ses livres apparaissait de nouveau dans un catalogue de vente, "je résisterai à la tentation" de le racheter, promet-il avec un sourire.

Des pépites accumulées patiemment depuis plus de 40 ans, Pierre Bergé n'en gardera que deux: le premier livre de Giono, jamais republié, "Accompagné de la flûte" et le dernier livre de Cocteau, "Le Requiem" (initialement dans le catalogue de vente) à cause d'une dédicace "très personnelle" du poète à l'homme d'affaires.

Après la vente, "tous les livres seront remplacés... par les mêmes", précise Pierre Bergé qui promet de remplacer son Montaigne du XVIe siècle par un Montaigne dans une édition de poche ! "Ce que je préfère ce sont les textes. Le côté bibliophile arrive après", insiste l'amoureux des livres. Pourtant, le collectionneur impénitent avoue que s'il trouvait un original de 1669 des Pensées de Pascal (il en existe trois au monde) alors il essaierait sûrement de se le procurer.

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