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Pourquoi "Beyrouth-sur-Seine", le livre de Sabyl Ghoussoub, a ravi les jurés du Goncourt des lycéens (et les autres)

L’écrivain et journaliste franco-libanais s’attèle à narrer l’histoire de ses parents et sa propre quête d’identité dans un récit plein d’humour. Un livre écrit avec le cœur. Lumineux.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'écrivain Sabyl Ghoussoub à Paris, le 24 novembre 2022. (ALAIN JOCARD / AFP)

Comme un sourire qui s’élargit tout au long des 309 pages, sans jamais s’éteindre. Souvent, il se transforme en rire. Pour redevenir sourire. Beyrouth-sur-Seine (éditions Stock), prix Goncourt des Lycéens 2022, est un récit romancé, drôle, bienveillant, émouvant. Sans comparer, Beyrouth-sur-Seine se situe quelque part entre Tout le monde n’a pas la chance d’avoir des parents communistes, le film de Jean-Jacques Zilbermann, et la bande dessinée de Riad Sattouf L’Arabe du futur

Liban, mon amour

Le livre de Sabyl Ghoussoub a sûrement séduit le jury du prix Goncourt des Lycéens 2022  par les sujets universels traités : l’exil, le déracinement, l’altérité, l’identité et le cheminement personnel. Sabyl Ghoussoub, journaliste d’origine libanaise, s’attèle à narrer l’histoire de ses parents et sa propre quête d’identité.

Partir c’est mourir un peu, rester c’est mourir beaucoup : ses parents, à la veille de la guerre civile qui a ravagé le Liban pendant de nombreuses années, décident de s’installer provisoirement à Paris au milieu des années 70. Le provisoire est éternel. Les deux ans se transforment en une vie, les enfants naissent, grandissent partent. Les parents restent, constatent que le temps s’est enfui. Kaïssar et Hanane courent derrière leur Liban sans réaliser qu’ils avaient emmené Beyrouth avec eux à Paris. Dans leurs bagages et leur cœur. "Je suis né à Beyrouth dans une rue à Paris", résume Sabyl Ghoussoub.

Identité plurielle

Pour son troisième livre, l’auteur questionne aussi ses propres rapports avec son pays d’origine, avec le Liban actuel. Sabyl Ghoussoub s’y est rendu à de nombreuses reprises, s’y est même installé un moment. "En fait, le Liban, c’est mes parents. Je ne sais pas ce que représentera pour moi ce pays après la mort de mes parents. Peut-être qu’il disparaîtra avec eux. Quand je passe les voir dans leur appartement parisien, j’atterris au Liban… ", confie-t-il. Et de poursuivre : "A chaque fois que le Liban est touché par un attentat, une explosion ou une guerre, j’ai l’impression que l’on vise mes parents et ça, je ne le supporte plus ".

"On a choisi ce livre parce qu'il parle de la crise identitaire, la question de l'immigration, ce thème-là peu de livres en parlent. En fait ce livre, et même l'auteur, c'est solaire, la narration est juste incroyable, on a l'impression qu'on est dans la famille du narrateur", a expliqué la présidente du jury du Prix Goncourt des lycéens, Blandine Lebrequier.

Empathie, humour

Et si le succès de ce livre s’explique surtout par le couple éruptif que forment les parents de Sabyl Ghoussoub, il tient également à sa propre écriture. "La vie de mes parents, c’est comme la guerre du Liban. Plus je m’y plonge, moins je comprends quelque chose. J’arrive à situer les protagonistes, quelques moments marquants me restent, puis, ensuite, je me perds. Trop de dates, d’événements, de trous, de silences, de contradictions. Parfois, je me demande si cela m’intéresse vraiment d’y comprendre quelque chose", ironise l’auteur. Kaïssar et Hanane ont le sens de la formule. On dirait des personnages sortis tout droit d’une fiction absurde et attachante.

Avec des phrases courtes, percutantes, Sabyl Ghoussoub vise juste à chaque fois. Beyrouth-sur-Seine est un livre profond et léger à la fois, un livre écrit avec le cœur. Lumineux.

Couverture de Beyrouth-sur-Seine de Sabyl Ghoussoub (Editions Stock)

Extraits : "Tu veux que je te raconte ma vie en arabe ou en français ?" m’a demandé mon père et il a ajouté  "Tu comprends l’arabe ?" alors qu’il a été mon professeur d’arabe pendant trois longues années où je vivais chacune de ses leçons comme un calvaire sans fin. (...) Je venais de brancher un micro sur sa chemise de pyjama qu’il traîne depuis mes cinq ans. (...) Je me lève pour accrocher le micro à la chemise de nuit de ma mère. J’essaie de l’attraper entre deux activités. Ma mère est petite, très petite et, comme souvent avec les gens de petite taille, elle est hyperactive. Elle me rappelle Nicolas Sarkozy. Là, elle cherche son iPhone qui résonne dans tout l’appartement : "Je t’aime, ô mon Liban. Ô ma patrie, je t’aime. Par le nord, par le sud, par les plaines, je t’aime". Sa sonnerie n’est rien d’autre que Bhebbak ya Lebnan, Je t’aime Ô mon Liban, de la diva libanaise Fairouz, longue plainte nostalgique qui nous agace au plus haut point mon père et moi".

Beyrouth-sur-Seine, Sabyl Ghoussoub, éditions Stock, 20,50 euros

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