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Le prix Nobel de littérature 2023 ira-t-il à une écrivaine russe, Lioudmila Oulitskaïa, opposante au Kremlin ?

Les cercles littéraires qui se livrent depuis des semaines à des spéculations seront fixés ce jeudi 5 octobre à 13H00 quand l'Académie suédoise révélera l'heureux élu.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Le prix Nobel de littérature qui sera annoncé le 5 octobre 2023 pourrait aller à l'écrivaine russe Lyudmila Ulitskaya (Ludmila Oulitskaia) qui a ouvertement critiqué le Kremlin (GEORG WENDT / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP)

Le prix Nobel de littérature 2023 ira-t-il à un écrivain russe ou l'Académie suédoise optera-t-elle pour un plus discret auteur nordique ? La prestigieuse récompense des belles lettres, attribuée jeudi 5 octobre, pourrait faire un choix ouvertement politique, selon les experts.

Un Nobel anti-Poutine ?

Le nom de la romancière russe et opposante au Kremlin Lioudmila Oulitskaïa, comparée par les critiques aux géants Léon Tolstoï ou John Steinbeck, revient souvent dans les prédictions.

Anti-Poutine, elle s'insurge contre le pouvoir politique russe depuis le début de la guerre en Ukraine, dénonçant une offensive "insensée".

Pour Björn Wiman, rédacteur en chef culturel du quotidien Dagens Nyheter (DN), l'Académie enverrait "un message très politique" en distinguant cette autrice exilée en Allemagne.

Mais son cœur penche pour Salman Rushdie, pressenti depuis de nombreuses années : "Il serait temps qu'il gagne, si c'est le cas, je tirerais mon chapeau à l'Académie" car cela saluerait la liberté d'expression. Le célèbre écrivain britannique est poursuivi par une fatwa prononcée par l'Iran pour ses Versets Sataniques (1988) et a été victime d'un grave attentat en août 2022.

Un choix plus confidentiel ?

L'Académie suédoise pourrait aussi, comme elle le fait souvent, récompenser une plume moins connue du grand public, comme celle de l'écrivaine chinoise avant-gardiste Can Xue ou du Norvégien Jon Fosse, dramaturge dont les pièces de théâtre sont les plus jouées en Europe.

Ces noms, aux côtés de celui de l'écrivain australien Gerald Murnane figurent dans le top 5 des sites de pari, dont les pronostics se sont avérés étonnamment corrects ces dernières années.

"Mais il reste toujours très difficile de deviner et savoir" comment se décident les membres de l'Académie qui disent ne pas prendre en compte les débats sociétaux ou politiques actuels dans l'attribution de la récompense, souligne à l'AFP Lina Kalmteg, journaliste littéraire à la radio publique suédoise (SR).

Et comme pour les autres Nobels, les délibérations du jury sont sous scellés pendant 50 ans.

Reflet de l'époque

Les membres de l'Académie prennent le testament d'Alfred Nobel comme point de référence : le prix doit être accordé à un écrivain dont l'œuvre littéraire a fait preuve d'un "puissant idéal".

Un souhait teinté parfois par la situation géopolitique du monde, relève Paul Tenngart, professeur de littérature à l'université de Lund, dans un article.

Il prend l'exemple d'Ivan Bounine, premier écrivain russe couronné en 1933, connu pour ses textes extrêmement critiques à l'encontre du régime bolchevique et dont l'œuvre est interdite en URSS jusqu'à la mort de Staline.

Comme chaque année, les noms d'autres nobélisables "habituels" circulent, comme le Hongrois Laszlo Krasznahorkai, le Roumain Mircea Cartarescu, la Française Maryse Condé, le Kenyan Ngugi wa Thiong'o ou encore le Somalien Nuruddin Farah.

Depuis le scandale #MeToo qui a secoué l'Académie en 2018, suivi de la controverse qu'avait provoquée l'attribution de la récompense à l'écrivain autrichien Peter Handke en raison de sa défense des Serbes pendant les guerres des années 1990 dans les Balkans, le cénacle tente de faire peau neuve.

L'an dernier, la récompense était revenue à Annie Ernaux, auteure française d'une œuvre racontant l'émancipation d'une femme aux origines modestes, devenue icône féministe.

Et l'édition précédente avait sacré le romancier britannique Abdulrazak Gurnah, né à Zanzibar, qui explore les tourments de l'exil, l'anticolonialisme et l'antiracialisme.

"Ces dernières années, il y a une plus grande conscience autour du fait qu'on ne peut pas rester dans une perspective eurocentrée, qu'il faut plus d'égalité, que le prix reflète son époque", dit Carin Franzén, professeure de littérature à l'université de Stockholm qui espère voir la poétesse canadienne Anne Carson rafler le prix cette année.

Pour honorer cette ambition, l'Académie suédoise consulte des experts externes afin de comprendre la portée exacte d'œuvres venant d'autres horizons.

En attendant, les chiffres montrent que le chemin vers l'égalité est encore long.

Depuis la création du prix en 1901, seules 17 femmes ont obtenu le prestigieux prix littéraire, sur un total de 119 lauréats. Et pour 16 lauréats français, un auteur de langue arabe a été distingué : Naguib Mahfouz en 1988 (Egypte).

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