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"Les choses humaines" de Karine Tuil, prix Goncourt des lycéens 2019, un roman qui interroge sur la culture du viol

Avec ce nouveau roman dérangeant (qui figurait dans la première sélection du prix Goncourt), l'auteure nous bouscule en questionnant la société à l'ère de #Metoo. "Les choses humaines" décroche le prix Goncourt de lycéens après l'Interallié.

Article rédigé par Manon Botticelli
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'auteure Karine Tuil en 2017.  (BALTEL/SIPA)

Les choses humaines (Gallimard) remporte le jeudi 14 novembre le prix Goncourt des lycéens après l'Interallié la veille. C'est le onzième roman de Karine Tuil, romancière déjà bien installée dans le paysage littéraire français. Son nouveau texte s'inspire de l’affaire dite de "Stanford" où un étudiant de l'université américaine a été condamné pour viol. Il questionne des thèmes d'actualité : la culture du viol et le consentement

Dans Les choses humaines, Jean Farel, journaliste politique et star de la télévision française, forme avec Claire, essayiste féministe, un couple à qui tout réussit. Leur carrière à succès leur permet d’évoluer au cœur des cercles intellectuels parisiens. Après des études à l’Ecole polytechnique, leur fils, Alexandre, est parti étudier à Stanford.

Derrière le masque

Mais derrière les apparences, tout se fissure déjà. "Le sexe et la tentation de saccage, le sexe et son impulsion sauvage, tyrannique, incoercible, Claire y avait cédé comme les autres". Elle quitte son mari pour Adam, un professeur de Français. Derrière son masque de "personnalité préférée des Français" Jean se révèle d’une nature cynique et cruelle. De son côté, Alexandre, archétype du jeune homme brillant et éduqué, ne supporte plus la pression de la réussite. L’édifice finit par réellement s’effondrer quand une plainte pour viol vient briser ce tableau familial en apparence idyllique.

Le roman commence par un long portrait des protagonistes, chacun sujet d'un chapitre. Tous incarnent les revers de la gloire, la face sombre de l'élite intellectuelle française à qui tout semble sourire. Le temps du procès fait démarrer le roman quelques 150 pages plus loin. Le lecteur revit alors, à travers les plaidoyers et témoignages, la scène de viol déjà brièvement racontée sous le prisme de l'accusé, pour qui "rien d'extraordinaire" ne s'était passé.

Zone grise

Le récit de cette deuxième partie est efficace et troublant. Le lecteur est dans la position d'un simple spectateur du procès qui met chaque protagoniste à nu, exposant ses faiblesses et ses qualités. Si bien qu’à la fin, on ne sait plus vraiment quoi penser. Les faits relatés sont tragiques et la plume acérée de Karine Tuil retranscrit sans emphase les rouages de la machine judiciaire et médiatique, implacable, et c'est sans doute la force de ce roman.

Derrière cette histoire, l'auteure questionne les rapports de force entre hommes et femmes mais aussi entre classes sociales. Surtout, elle interroge le consentement, question brûlante aujourd'hui. La fin du livre laisse poindre une critique du mouvement #Metoo et de ses effets, ce qui ne sera pas du goût de tout le monde. Une fois la lecture terminée, persiste un sentiment de malaise.

Karine Tuil, Les choses humaines.  (GALLIMARD)

Les choses humaines, Karine Tuil (Gallimard - 352 pages - 21 €)

Extrait :

"La déflagration extrême, la combustion définitive, c’était le sexe, rien d’autre – fin de la mystification ; Claire Farel l’avait compris quand, à l’âge de neuf ans, elle avait assisté à la dislocation familiale provoquée par l’attraction irrépressible de sa mère pour un professeur de médecine rencontré à l’occasion d’un congrès ; elle l’avait compris quand, au cours de sa carrière, elle avait vu des personnalités publiques perdre en quelques secondes tout ce qu’elles avaient mis une vie à bâtir : poste, réputation, famille – des constructions sociales dont la stabilité n’avait été acquise qu’au prix d’innombrables années de travail, de concessions-mensonges-promesses, la trilogie de la survie conjugale -, elle avait vu les représentants les plus brillants de la classe politique se compromettre durablement, parfois même définitivement, pour une brève aventure, l’expression d’un fantasme -les besoins impérieux du désir sexuel : tout, tout de suite ;"

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