"Apocalypse Now Journal" : chronique d’un tournage
Barnum hollywoodien
Adaptation libre d’"Au cœur des ténèbres" de Joseph Conrad transposé du Congo au Vietnam en plein conflit à la fin des années 60, "Apocalypse Now" est le fruit d’une obsession, celle de Francis Coppola, de mener à bien une fresque dantesque, inédite à l’écran qui ne serait pas un film sur la guerre du Vietnam mais la guerre du Vietnam elle-même.
Puisqu’il était impossible de tourner sur le lieu des opérations, le cinéaste choisit les Philippines qui offraient des paysages semblables au Vietnam, alors que le gouvernement Marcos était disposé à prêter des hélicoptères de l’armée. C’est tout un Barnum hollywoodien qui débarque alors un beau jour de 1976 à Manille, Coppola étant accompagné de toute sa petite famille : son épouse et leurs trois enfants.
Repérages et construction des décors s’enchaînent, notamment l’immense camp du colonel Kurtz (Marlon Brando) en pleine jungle, et qui repose sur des sculptures monumentales khmères. Le scénario n’est pas bouclé, Coppola ne trouvant pas jusqu’à la fin du tournage une conclusion satisfaisante. Changement de comédiens (Martin Sheen succède à Harvey Keitel), typhon destructeur des décors marmoréens à reconstruire, pluies diluviennes, hélicoptères réquisitionnés pour contrer la rébellion philippine, explosion du budget initial… Autant d’avatars qui vont transformer un tournage de quelques mois en trois ans de travail.
Chaos personnel
Francis Ford Coppola avait demandé à sa femme Eleanor de réaliser un making of du tournage, ce qu’elle entreprend en même temps que l’écriture de son journal. Son film qu’elle cosignera finalement, "Heart of Darkness", est désormais disponible dans le coffret "Apocalypse Now" (Pathé Vidéo). Aussi en raconte-t-elle les vicissitudes et les multiples problèmes domestiques (déménagements, scolarisation des enfants, installations…) qu’elle gère en parallèle dans un capharnaüm incessant. Jusqu’à ce que la pression fasse exploser son couple déstabilisé par un créateur en pleine crise.
Eleanor Coppola n’est pas avare en confidences de tous bois qui alimentent un récit où se mélangent les affres d’un créateur pris les mains dans le cambouis de l’œuvre de sa vie, et un quotidien de plus en plus complexe à maîtriser, allant jusqu’à remettre en cause une relation conjugale remontant à des dizaines d’années. Un témoignage qui se lit d’une traite, bourré d’anecdotes sur le processus de création d’une œuvre majeure du cinéma et ses répercussions sur la vie personnelle de ses acteurs. Chaotique.
"Apocalypse Now Journal"
Eleanore Coppola
Editions Sonatine, 260 pages, 18 euros
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