"Victor Hugo vient de mourir", lecture exceptionnelle dans les Tours de Notre-Dame de Paris
Un peu comme pour un rendez-vous secret au cœur de la capitale, on se regroupe devant la petite porte latérale de la tour gauche de Notre-Dame. Le parvis est presque désert ce samedi soir. On ne sait pas trop si ce sont les événements dramatiques de la semaine dernière, ou bien le vent glacial qui tourne autour de la blanche cathédrale qui a découragé les touristes. Ceux qui sont venus pour écouter la lecture de "Victor Hugo vient de mourir", eux, n'ont pas renoncé. Ils sont là, une trentaine de chanceux qui ont réussi à avoir une place, équipés comme pour une expédition polaire, prêts à affronter les éléments. Le comédien, Nicolas Martel a mis son bonnet.
L'auteur, Judith Perrignon est là. "Cette lecture dans la cathédrale Notre-Dame, c'est une idée d'Olivier Chaudenson, le patron de la Maison de la Poésie. Il était en contact avec les gens du Patrimoine et l'idée c'était de mêler ce texte à la rumeur de Paris", explique-t-elle, ravie d'assister à cette lecture. Le comédien a mis son bonnet. C'est parti pour l'ascension. Les spectateurs attaquent gaillardement les 422 marches qu'il faut monter pour rejoindre le beffroi. Au passage on s'arrête dans la galerie des chimères, pour admirer Paris en compagnie des gargouilles, et notamment du fameux Stryge.
L'agonie du poète
On fait une halte. Première lecture. Victor Hugo est en train de mourir. La voix du comédien se mêle à la rumeur de Paris et au son des cloches, qui ponctuent le beau texte de Judith Perrignon, et épousent même le "Tic tac de la cheminée" qui accompagne le dernier souffle du poète. "Peut-être qu’à ce moment ultime, les idées et les rêves se retirent, laissent la place à ceux qu’on a aimés. Peut-être y a t-il d’autres visages penchés sur lui qu’il est le seul à voir, son père, sa mère, son frère devenu fou, sa femme, ses femmes, Léopoldine noyée depuis si longtemps, François-Victor et Charles, ses fils emportés par la maladie, Adèle, qu’il ne compte plus parmi les vivants. C’est beaucoup de visages mais ce n’en est qu’un seul, c’est celui de la mort, peuplée de ceux qu’on a perdus."On reprend l'ascension, jusqu'au beffroi. Certains s'installent sous les gigantesques cloches. Le vent glacial s'engouffre entre les poutres. Silence. Cette fois Victor Hugo vient de mourir et la rumeur de sa mort court dans Paris. Le deuil est national. Les foules se pressent pour venir dire adieu au poète, sa dépouille est installée dans le corbillard des pauvres.
"Beau, fort et actuel !"
On est là, tout en haut, petit groupe resserré autour de Nicolas Martel, sa voix grave qui brave le vent et se mêle à la rumeur de la ville, pour nous faire revivre cet intense moment de réunion du peuple de Paris autour de son héros. "C'était super", s'exclame Florence, une Normande venue écouter cette étrange lecture. "C'est comme si on était aux obsèques, comme si on avait vécu ça aux côtés du peuple de Paris ", ajoute-t-elle, enthousiaste. "Avec ce qui s'est passé ces derniers jours à Paris, c'est très émouvant. Beau, fort, et actuel. Je suis vraiment contente d'être venue", conclut-elle."C'était intéressant poursuit Yves-Marie, un autre spectateur. "C'était vraiment une expérience. D'abord je n'étais jamais monté là-haut et puis l'association Victor Hugo et Notre-Dame, c'est parfait. Je n'ai pas lu le livre mais ça m'a donné très envie de lire", ajoute-t-il.
"On a enterré avec Victor Hugo et toutes les utopies de l'époque"
"J'ai l'habitude d'écouter des lecture de mon texte assise sur une chaise, au chaud, là nous étions chahutés par les éléments, c'est une très grande émotion" s'exclame Judith Perrigon. "Oui on pense aux événements bien sûr, encore plus ici", ajoute l'écrivaine. "Dès le travail de recherche dans les archives pour écrire ce livre, j'ai senti les échos de cette époque avec celle que nous vivons aujourd'hui. Mais en négatif. On a enterré Victor Hugo et avec lui toutes les utopies de cette époque. A l'enterrement d'Hugo, les gens étaient pleins d'espoir. Aujourd'hui on est dans le tragique. Et de l'espoir il n'y en a plus", souligne Judith Perrignon."Notre-Dame c'est aussi un clin d'œil. L'Eglise aurait rêvé d'enterrer Hugo, c'est la grande perdante de cette époque. Aujourd'hui on peut revivre ça ici de manière plus historique. On n'est pas dans le religieux. Et puis Notre-Dame, c'est aussi un personnage de Victor Hugo. Quand je montais les marches du petit escalier de la tour, je ne pouvais pas m'empêcher de regarder et de penser aux petites cachettes de Quasimodo", conclut l'écrivaine en souriant.
Victor Hugo vient de mourir Judith Perrignon (Edition L'Iconoclaste, 260 pages, 18 euros)
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