L'Etat a acheté l'adaptation manuscrite du roman "Germinal" en pièce de théâtre, par Zola lui-même
L'État a acheté mercredi pour la Bibliothèque nationale de France le manuscrit de la pièce de théâtre "Germinal" d'Emile Zola, adaptation en bonne partie inédite du célèbre roman et "dernier grand manuscrit" de l'écrivain en mains privées.
Le parcours de cette oeuvre mal connue de 1888 reste un mystère. Mais elle rejoint finalement l'essentiel des manuscrits du célèbre romancier naturaliste. "La BnF a acheté, à ma demande, le manuscrit de l'adaptation en pièce de théâtre du roman #Germinal d'Emile Zola. Ce manuscrit complète l'exceptionnel fonds de la Bibliothèque Nationale de France consacré à l'auteur et entre ainsi dans les collections nationales", a précisé sur Twitter la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
L'enchère la plus élevée, de 138 600 euros, pour ce lot estimé entre 100 000 et 150 000 euros par la maison Sotheby's, a été portée par la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, dans le Nord, a indiqué à l'AFP cette intercommunalité. Ce territoire est au coeur du roman: sa plus grande ville est Denain, là où Zola en 1884 était descendu au fond d'une mine, la fosse Renard, pour y prendre de précieuses notes.
Mais la loi donne la priorité à l'État, qui après la clôture des enchères a exercé son droit de préemption. Il paiera le montant de l'enchère la plus élevée.
"Désormais, Germinal appartient à tous", a souligné dans un communiqué le président de la communauté d'agglomération, Aymeric Robin. "Une exposition sera bienvenue sur le territoire", a déclaré cette collectivité locale à l'AFP.
Le théâtre, cible de Zola
Le manuscrit est constitué de 454 feuillets rédigés entre 1885 et 1887 de la main du romancier naturaliste, pour adapter son roman publié en 1885. Immense succès en volume, ce récit d'une révolte de mineurs de charbon dans le Nord de la France dans les années 1860 avait, d'après Zola, le potentiel d'une adaptation au théâtre qui toucherait un public encore plus large.
Ce projet d'adaptation était cher à l'auteur des Rougon-Macquart. Il s'en est occupé seul, au lieu de déléguer la tâche, comme pour L'Assommoir ou Nana, au dramaturge William Busnach. Le public des théâtres parisiens, à cette époque, "est populaire et c'est celui qu'il veut toucher", explique à l'AFP Diana Cooper-Richet, chercheuse de l'université de Versailles-Saint-Quentin qui a étudié l'échec de cette pièce.
Pour elle, une publication du texte pourrait "apporter du nouveau à la connaissance de l'oeuvre de Zola". Elle donnerait une idée plus précise "de ses déboires avec la censure, des concessions qu'il était prêt à faire pour voir la pièce montée". Une édition critique confidentielle était sortie en 1989, grâce à l'universitaire canadien James Bernard Sanders, à Québec. De 200 pages, elle ne contient que "quelques extraits" et omet "les multiples variantes que révèle le manuscrit", souligne Sophie Dufresne, de Sotheby's.
L'intérêt pour Germinal a été réveillé par la diffusion par France 2 d'une adaptation en série. Avec ses six épisodes de 52 minutes, cette production télévisée, beau succès d'audience, dure à peu près autant que la pièce de théâtre, marathon de cinq heures.
Une pièce maudite
D'après Sotheby's, c'est le "dernier grand manuscrit d'Emile Zola encore en mains privées". L'essentiel des manuscrits de l'écrivain, y compris celui du roman, consultable en ligne, appartient en effet à la Bibliothèque nationale de France (BnF) et le reste à d'autres institutions. Interrogée par l'AFP sur ses intentions, la BnF s'est refusée à tout commentaire avant la vente.
Quand Zola, auréolé du succès du roman, la soumet en 1885 à la "Commission d'examen" qui s'occupe de la censure, mauvaise surprise : avis défavorable. Décrire la colère d'ouvriers contre leurs employeurs, violemment réprimée, dans un livre de 600 pages, passe encore ; les représenter sur scène, non, trop risqué. Le gouvernement suit et interdit l'oeuvre sous cette forme. Le romancier va insister, atténuer la violence du propos, et obtenir le feu vert pour une version édulcorée, à l'affiche en 1888. Elle déplaît à la presse.
Zola la défend vigoureusement, en obtenant par exemple du théâtre du Châtelet une représentation gratuite qui attire 20 000 curieux, pour seulement 3 500 places. Peine perdue : il ne sera jamais reconnu comme auteur de théâtre.
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