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Avec "Burn out", les Kids passent au roman : noir et stylé

Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, les "Kids" du Bondy Blog, signent un premier roman qu'ils ont écrit, comme presque tout ce qu'ils font, à quatre mains. "Burn out" (Seuil) s'inspire d'un fait divers : en 2013, un homme s'immole devant une agence de Pôle Emploi. Un premier roman où l'on retrouve la patte du duo, cette manière et ce ton bien à eux de dire le monde qui les entoure.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah publient "Burn out", leur premier roman
 (A di Crollalanza)
L'histoire : "Nantes : un homme s'immole devant Pôle Emploi et meurt". La dépêche est datée du 14 février 2013 à 12h51, et sans appel. Qui est cet homme ? Le roman remonte le fil du temps, pour donner un visage et une vie à cet homme. Comprendre ce qui l'a conduit à commettre cet acte désespéré, d'une violence inouïe. La vie de Djamal Chaar, 41 ans, "les yeux bleus, mais un vrai bleu, un bleu profond, celui des mers ou des ciels trop beaux, qui n'en finissent jamais". Il a quitté l'Algérie quelques années plus tôt, est venu en France par amour. Pour retrouver la femme qu'il aime, rencontrée sur internet. Et aussi pour devenir clown.

A son arrivée il épouse la femme qu'il aime. Mais il ne devient pas clown. Intérimaire, il enquille les petits boulots, accepte toutes les missions, les abattoirs, le travail de nuit. Dans la case "disponibilités et compétences", il écrit "tout, tout de suite". Il finit par être embauché dans une usine "C'était ce qu'il voulait : faire partie des autres. Appartenir à une usine. Dire à qui lui demande qu'il travaille là. A horaires réguliers". Mais l'usine ferme. Et c'est le chômage.

Pôle Emploi, "machine à radier, machine à broyer"

Un différend l'oppose au Pôle Emploi. On veut lui couper ses indemnités. Un matin il envoie un email à Presse Océan : "Je suis allé à Pôle Emploi avec cinq litres d'essence pour me brûler, mais c'est fermé le 12 février 2013, alors ce sera demain, le 13 ou le 14, car ce serait préférable au sein de Pôle Emploi merci". Le lendemain, il passe à l'acte.

Le chômage. La misère. Les fins de droit… Ce sont des sujets que Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah connaissent bien. Depuis des années, pour nourrir les reportages du Bondy Blog (ils étaient lycéens quand ils ont commencé), puis leurs chroniques dans l'émission de Pascale Clark sur France Inter, les "Kids" ont arpenté les quartiers, fréquenté les agences de Pôle Emploi, questionné les chômeurs.

Un roman choral

Les deux auteurs ont construit un roman à plusieurs voix. Pour essayer de comprendre un homme, les deux auteurs ont imaginé la parole à Djamal Chaar, mais aussi de son entourage : sa femme, sa mère, son cousin, ses amis. Mais aussi le petit monde de Pôle Emploi, ses agents, ses psychologues, ses chargés de clientèle. Et aussi son style. Sec et administratif : "En application du règlement de l'assurance chômage, vous devriez notamment justifier d'au moins 610 heures de travail au cours des 28 mois précédant la fin de votre dernier contrat de travail pour pouvoir prétendre aux allocations de chômage".)

On entend aussi les voix de ceux qu'il a laissés derrière lui en Algérie : sa mère, son cousin, mais aussi des islamistes qui l'ont torturé. Le roman fait aussi parler les douaniers (plus ou moins corrects) ou le ministre du travail (scène d'auto-satisfaction cynique et hilarante : "Etre ministre, c'est savoir gérer son potentiel d'acteur. J'ai appris ça d'un ancien"). Chacun son monde, chacun son langage. Une construction à plusieurs voix qui dessine le portrait d'un homme autant que celui d'une société.

Le style des Kids : simple, féroce, musical

"Burn out" est un roman sombre : "Chaque fois que quelque chose a bougé dans ce monde, ça a toujours été pour le pire. Voilà pourquoi personne ne bouge : personne n'aime provoquer l'avenir. Faudrait être fou pour provoquer l'avenir", y lit-on. Les deux auteurs ont 23 ans et ils parlent de la France des presque 3 millions de chômeurs. Mehdi et Badroudine ont 23 ans et ils racontent le monde avec une simplicité féroce.

On retrouve dans ce premier roman leur patte, celle des "Kids", une manière bien à eux de raconter les histoires, qui tranche avec le ton informatif et neutre des journaux d'information. Une musique. Un rythme. Avec des mots scandés, des phrases répétées et des notes subtiles qui composent une mélodie mélancolique.
 
Burn out Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah (Seuil - 175 pages - 15 euros) - Sortie : 17 septembre 2015

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