"Bel-Air", un drame de la vie ordinaire signé Lionel Salaün
Nous sommes dans les années 50. Un quartier périphérique d’une sous -Préfecture. Un point névralgique : un bistrot, le « Bel-Air ». Le décor et les personnages sentent bon ce petit parfum de nostalgie pour le temps de Bill Haley d’ Elvis Presley ou de « l’homme à la moto » de Piaf et du « Gorille » de Brassens. Le juke box a fait son entrée dans l’univers fermé et codé du café « Bel-Air ».
Dans cet environnement commun, vont évoluer des adolescents qui banalement font leurs apprentissages de la vie.
Copains d’école, premiers émois et frottements avec les réalités sociales de ces ouvriers, commerçants et figures de quartier.
L’amitié entre Gérard, le fils du patron du bistrot, et Franck le personnage principal est mise à mal au fil du temps.
Les scènes de racisme ordinaire, tournant à la ratonnade d’un travailleur algérien ayant pris le risque de s’aventurer dans ce bistrot, enveniment l’atmosphère. La fascination pour les armes de Gérard, qui dit vouloir s’engager en ces temps de guerre d’Algérie, éloigne les deux amis. Gérard cause beaucoup mais agit peu, à l’instar de son père qui refait les guerres et l’Indo mais sans bouger de l’arrière de son comptoir. Franck, lui, se cherche un vague avenir sans trop savoir ce qu’il va faire de sa vie. Il croise l’amour lors d’un bal du 14 juillet. Et là tout bascule. Il doit bientôt être incorporé dans l’armée direction l’Algérie.
Se méfier des apparences
Rien d’original en soit. Et pourtant avec une grande simplicité d’écriture et un subtil sens de l’efficacité, Lionel Salaün plante chaque scène dans un réalisme de sentiments et de décor. Les personnages sont palpables tout comme l’atmosphère sociale, grise et sans réellement avenir. Mais comme dans la pièce de théâtre « Le bal » créée dans les années 70 et adaptée au cinéma par Ettore Scola en 1983, chacun peut retrouver dans ces scènes une histoire de famille, un souvenir jauni des parents, des oncles, des tantes de cette France populaire.
Mais méfiez-vous des apparences, l’air de rien Lionel Salaün vous embarque dans un drame de l’amour, de l’amitié et de la trahison. Une leçon de vie qui s’éclaire bien des années après, au moment où le « Bel-Air » voit s’éteindre les derniers éclats de ses néons.
Cette chronique de la vie ordinaire tourne au polar dans lequel vous n’aviez pas l’impression d’être embarqué tant la chair des personnages suffisait à vous attacher à l’histoire. La limpidité et le tranchant des mots, signes d’une belle maturité d’écriture vous laissera un souvenir pérenne de ce bistrot, théâtre d’un drame de la vie ordinaire.
"Bel-Air" de Lionel Salaün, édition Liana Levi. 17€50
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