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Bonnes nouvelles de Jean Echenoz avec son "Caprice de la reine"

"Caprice de la reine"(Editions de Minuit) est une somme de sept nouvelles, sans lien les unes avec les autres. Sept textes, sept lieux, sept sujets. Un exquis bouquet de curiosités signé Jean Echenoz.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Jean Echenoz
 (Roland Allard)

"Caprice de la reine" (Editions de Minuit) est une somme de textes (inédits ou pas) de Jean Echenoz. Ce recueil de nouvelles juxtapose sept récits, friandises aux goûts et textures différents, toutes parfaitement usinées. Echenoz, quoi. Qu'il nous parle de l'Amiral Nelson plantant des arbres, d'un séjour d'Hérodote distrait à Babylone, des scupltures des reines de France au jardin du Luxembourg ou d'une triple expédition sandwich au Bourget, Jean Echenoz démontre à quel point le sujet importe peu. L'écrivain s'en empare et en fait de la littérature. En virtuose.

Echenoz ne lésine pas sur les moyens. Un carré de gazon, des fermes, des vaches, rien de passionnant à première vue. Et pourtant, dans le récit qui a donné son nom au recueil, le romancier embarque le lecteur dans un long mouvement, plan séquence en forme de travelling circulaire et aérien, avec des piqués, des vols planés, et même un plan en macro pour finir sur le caprice de la reine. Tout cela pour décrire le paysage qui entoure "la main qui écrit ceci".

La triple excursion au Bourget en RER d'un écrivain en quête d'un sandwich sur fond d'observation sociologique est un régal. Du Annie Ernaux façon Echenoz, des échos de Raymond Queneau.

Echenoz, écrivain de la pudeur et blagueur

Selon qu'on aime plutôt les personnages historiques, les Ponts et Chaussées, l'exploration sociologique en banlieue ou les relevés topographiques, on appréciera plus ou moins l'une ou l'autre de ces fantaisies, mais on sera chaque fois émerveillé de la virtuosité, de l'ardeur à la tâche, et de l'amour de la phrase bien tournée.

Echenoz ouvrage la langue, écrivain soigneux jusqu'à l'obsession, puis au détour d'une phrase ou en chute de paragraphe, paf, balance une blague, comme le chirurgien en pleine opération pour relâcher la pression. Une brève décontraction de style et le lecteur souffle et sourit, éclate de rire même. Le petit coup de griffe dans son œuvre. Une moustache sur le sourire de La Joconde. Sa signature.

Le romancier n'entre ni dans la chair, ni dans les sentiments, ni dans la psychologie. Jamais l'ombre d'un jugement non plus. C'est en décrivant l'enveloppe des choses qu'il suggère ce qu'elle contient. Echenoz est écrivain de la pudeur et "Caprice de la reine" est une belle petite collection de sa malle à trésors.

 
Caprice de la reine Jean Echenoz (Editions de Minuit – 128 pages – 13 euros).

Extrait
Le premier samedi du mois de février, m'étant couché très tard la veille, je me suis aussi levé très tard et j'ai décidé d'aller manger un sandwich au Bourget. Cette résolution, je la méditais depuis un certain temps. En marchant vers la gare du Nord, j'ai failli être détourné de mon but, notamment en longeant les devantures d'un marchand de pizza en tranches rue de Maubeuge puis d'un vendeur de kebbabs rue de Dunkerque, mais je n'ai pas cédé. J'ai tenu bon. Rien ne devait, malgré ma faim, s'opposer à mon projet.

Jean Echenoz  est né à Orange (Vaucluse) en 1947. Il a écrit une quinzaine de romans, dont "Cherokee", Prix Médicis 1983 et "Je m'en vais", Prix Goncourt 1999. 



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