"Châtiment", "Gangland", "Rat Island"... Les polars et thrillers immanquables de cet été
Politique, nouveaux nababs, migrants, fractures sociales et économiques… Les sujets abordés dans les thrillers et les polars sont en prise directe avec le réel. Comme toute sélection, celle-ci est forcément non exhaustive et totalement subjective.
"Châtiment" : Percival Everett fait payer les crimes
Drôle, fin, hilarant et brûlot contre le trumpisme, Châtiment est LE roman à ne pas rater cet été. Percival Everett signe avec ce thriller d'une grande originalité une œuvre addictive et jouissive. L'auteur d'Effacement nous embarque dans une petite ville du Mississipi, Money, secouée par des meurtres d'hommes blancs. Sur chaque scène de crime, les policiers trouvent un second cadavre qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Emmett Till, un garçon noir lynché dans la même ville en 1955. Dépassée par les événements, la police locale est secondée par des agents très spéciaux. Au fil des pages, entre deux fous rires, le lecteur est saisi par le tableau d'une société en prise avec son passé qui ne passe pas et avec un présent désespérément violent. Indispensable.
(Châtiment, Percival Everett, traduit par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, 22,50 euros)
"Rat Island" : le darwinisme social, selon Jo Nesbø
Le pire n'est peut-être pas certain, mais il peut advenir. L'écrivain norvégien Jo Nesbø n'est pas réputé pour son optimisme. Au contraire. Il désespère de l'espèce humaine. Dans Rat Island, recueil de cinq nouvelles, le créateur du célèbre personnage Harry Hole situe ses récits dans un avenir proche, dystopique, dans lequel l'État est remplacé par des intérêts privés. L'élite, complètement déconnectée, vit en haut d'un gratte-ciel et tout en bas de l'échelle règne une forme de darwinisme. Un équilibre, ou plutôt un déséquilibre, précaire. Jo Nesbø se montre sceptique quant au progrès scientifique. Dans L'Antidote, récit glaçant sur le pouvoir et l'ambition, il laisse éclater tout son talent d'écrivain déroutant.
(Rat Island, Jo Nesbø, traduit par Céline Romand-Monnier, Gallimard, 21 euros)
"Un autre éden" : l'enfer, selon James Lee Burke
James Lee Burke lui, ne désespère pas de la nature humaine. Chacun de ses livres est un événement, une occasion de retrouver des personnages attachants et familiaux. Avec Un autre éden, nous voilà à la fois en terrain connu, mais aussi dans une nouvelle contrée. Un air de déjà-vu et une ambiance mélancolique typiquement burkéenne. À 87 ans, James Lee Burke continue d'ausculter la société américaine avec tendresse et férocité. Nous sommes dans les années 1960, dans l'Ouest américain. On suit Aaron Holland Broussard, écrivain en recherche d'inspiration, à bord de wagons de marchandises. Déjà présent dans Les Jaloux, le personnage trouve l'amour dans la région de Denver. Avant que la violence ne s'abatte. Immanquable.
(Un autre éden, James Lee Burke, traduit par Christophe Mercier, Payot et Rivages, 22 euros)
"Gangland" : autopsie d'une chute annoncée
Ce n'est pas un énième livre (fantasmé) sur la mafia, mais davantage une plongée en apnée dans l'amitié, le devoir et la filiation. Nous sommes à Chicago dans les années 1970. La ville est sous la coupe de Tony Accardo. Quand le boss, aux prises avec la concurrence et le FBI, a des problèmes, il se tourne vers son liquidateur secret Nicky Passero, propriétaire d'un bowling. Le tueur cherche à se libérer de cette emprise et se retrouve en proie à des dilemmes moraux. Comment survivre dans un environnement hostile, sans sacrifier son intégrité ni mettre en danger la vie de ses proches ? Chuck Hogan explore avec beaucoup de finesse les déchirements d'un homme, partagé entre la loyauté et la survie. Bluffant.
(Gangland, Chuck Hogan, traduit par Suzy Borello, Calmann-Lévy, 22,90 euros)
"Mission Mare Nostrum" : un mystère nommé Méditerranée
Pour son premier roman, Hakim Bécheur regarde derrière la carte postale. Un journaliste français, Jalel Tounsi, passe ses vacances dans son pays natal en Tunisie, à Hammamet. Embarqué malgré lui dans une aventure rocambolesque, le journaliste finit par douter de tout et de tout le monde. À qui se fier ? De qui se méfier ? Grâce à une écriture sans fioritures, l'écrivain crée une histoire à tiroirs qui laisse entrevoir les antagonismes qui traversent la société tunisienne. Hakim Bécheur s'amuse aussi à perdre le lecteur dans les dédales d'une enquête à multiples facettes.
(Mission Mare Nostrum, Hakim Bécheur, L'Aube noire, 17 euros)
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