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Cinq raisons d’adorer "Peine perdue", le dernier roman d'Olivier Adam
Il est comment, le dernier roman d'Olivier Adam, "Peine Perdue" ? Formidable et magistral. Un roman noir reliant 23 portraits plus attachants les uns que les autres. Compte-rendu.
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Peine perdue, le dernier roman d'Olivier Adam ? Un roman noir et bouleversant. Quatre cents pages qui se lisent d'une traite, et assemblent peu à peu, comme un puzzle, les clés de l'enquête de départ : qui a défoncé le crâne d'Antoine, gloire du football local qui vit d’expédients, dans le camping d'une station balnéaire du sud de la France ? Et qui l'a déposé, quasi-mort, devant l'hôpital ?
L'interview d'Olivier Adam au sujet de son dernier roman Ce grand roman de la rentrée offre toutes les raisons de s'emballer. Pourquoi ? Tentative de classement :
1. La construction, magistrale
Que raconte le livre ? Un double suspense. Qui s'est acharné sur cette tête brûlée d'Antoine, dont "tout le monde pensait qu'il deviendrait le prochain Zidane", et pourquoi ? Le jeune homme s’en sortira-t-il ou laissera-t-il orphelin de père le petit Nino qui l'adore ? Autour de cette double question s'égrène un chapelet de 23 chapitres, tous avec un prénom pour titre: celui d'Antoine et de 22 personnages qui lui sont liés. Ex-compagne, amis, entraîneur, employeur, adversaire ... saisis à un instant crucial, en un fil chronologique qui avance le long du récit et démarre par une tempête dévastant le sud-est de la France. 23 portraits et 23 romans dans le roman, comme autant de facettes d’un pays en crise.
2. Vingt-deux histoires d'amour
Des facettes (à une exception près) toute attachantes. Car le romancier raconte avec empathie 22 vies qui basculent – ou non- autour de celle d'Antoine en suspens. Et nous entrons dans leurs têtes, leurs rêves, leurs amours. Gagnantes ou perdantes, flambantes ou érodées. Conjugales, adultères, filiales, maternelles : chez Olivier Adam, pas de hiérachie dans les affections. Juste un degré d'intensité.
3. Une saisissante galerie de portraits
On ne va pas tous les passer en revue, mais il n’y a pas un portrait qui ne frappe le lecteur (trice) par sa justesse et son acuité. L’ado fugueuse. L’entraîneur de foot malheureux. Le tenancier de resto frappadingue. L’interne de médecine fracassée. La vieille écrivain lesbienne. L’aide soignante, la serveuse, l’infirmière, ces figures transparentes à qui il donne figure et passion. Une ronde humaine où chaque pièce s’imbrique pour donner sens à une tentative de meurtre sur fond d'intérêts sordides.
4. Une écriture cinématographique
La plume se fait caméra. Difficile de trouver une autre comparaison tant l’écriture, virtuose et extrêmement visuelle, enchaîne plans et rythmes différents. Plans séquence où l’on voit quasi- littéralement, les personnages se faire prendre dans la tempête, dans cet Estérel de rêve mué en décor d'épouvante. Ou se battre. Boxer. Faire l'amour. Calmer un bébé qui hurle. Mais aussi des flashes-back où ils retournent à leur passé, leur hantise ou leur cauchemar. Et des arrêts sur images, avec, en décor-acteur souverain, la mer en furie ou enfin calmée, la mer omniprésente.
5. Le miroir d’une société en crise
C’est le portrait d’une société qui se paupérise, la nôtre, et ses ferments de haine soigneusement entretenus. Mais c’est aussi, à la différence d’un Houellebecq, la possibilité d’un lien, d’une solidarité, d’un amour rédempteur. Un roman sur la France du XXIe siècle qui réussit ce miracle : évoquer au plus juste la crise et susciter son (possible) antidote : toute les gammes d’une tendresse poignante et jamais vaincue. Même si ...Sauf si ...
"Peine perdue" ? Pas pour le lecteur. Les fans d'Olivier Adam y retrouveront les thèmes chers à l'auteur qui souffle cette année ses 40 ans : la mer, l'enfance, l'injustice sociale, la réduction des possibles, la beauté malgré tout. Les autres le découvriront d'emblée au sommet de son art, dans ce qui est sans doute son meilleur roman, à la structure narrative parfaite. Ils y trouveront aussi le visage d'une France précaire, éclairée par un regard aimant.
Peine perdue Olivier Adam (Flammarion - 21,50 euros)
Extrait :
Voilà le genre de choses qui l'obsède ces temps-ci. Ca et la somme de ce qui se fige dans nos vies sans qu'on l'ait vraiment décidé. Rien foutre à l'école parce que ça paraît juste normal, parce qu'on a autre chose à penser, les mecs les fringues les soirées le bon temps les plongeons les joints la baise les calanques le soleil, et comprendre à un moment que ça a déterminé une fois pour toutes le genre de boulot qu'on fait et la vie qu'on mène, les gens qu'on rencontre, comme si tout d'un coup la vie tellement immense et solaire au départ se résumait à plus grand-chose, une grisaille comme de la cendre fine tombée sur toutes choses, champ des possibles rétréci au strict minimum, une vie réduite et vaillante, mais réduite quoiqu'on en pense.
L'interview d'Olivier Adam au sujet de son dernier roman Ce grand roman de la rentrée offre toutes les raisons de s'emballer. Pourquoi ? Tentative de classement :
1. La construction, magistrale
Que raconte le livre ? Un double suspense. Qui s'est acharné sur cette tête brûlée d'Antoine, dont "tout le monde pensait qu'il deviendrait le prochain Zidane", et pourquoi ? Le jeune homme s’en sortira-t-il ou laissera-t-il orphelin de père le petit Nino qui l'adore ? Autour de cette double question s'égrène un chapelet de 23 chapitres, tous avec un prénom pour titre: celui d'Antoine et de 22 personnages qui lui sont liés. Ex-compagne, amis, entraîneur, employeur, adversaire ... saisis à un instant crucial, en un fil chronologique qui avance le long du récit et démarre par une tempête dévastant le sud-est de la France. 23 portraits et 23 romans dans le roman, comme autant de facettes d’un pays en crise.
2. Vingt-deux histoires d'amour
Des facettes (à une exception près) toute attachantes. Car le romancier raconte avec empathie 22 vies qui basculent – ou non- autour de celle d'Antoine en suspens. Et nous entrons dans leurs têtes, leurs rêves, leurs amours. Gagnantes ou perdantes, flambantes ou érodées. Conjugales, adultères, filiales, maternelles : chez Olivier Adam, pas de hiérachie dans les affections. Juste un degré d'intensité.
3. Une saisissante galerie de portraits
On ne va pas tous les passer en revue, mais il n’y a pas un portrait qui ne frappe le lecteur (trice) par sa justesse et son acuité. L’ado fugueuse. L’entraîneur de foot malheureux. Le tenancier de resto frappadingue. L’interne de médecine fracassée. La vieille écrivain lesbienne. L’aide soignante, la serveuse, l’infirmière, ces figures transparentes à qui il donne figure et passion. Une ronde humaine où chaque pièce s’imbrique pour donner sens à une tentative de meurtre sur fond d'intérêts sordides.
4. Une écriture cinématographique
La plume se fait caméra. Difficile de trouver une autre comparaison tant l’écriture, virtuose et extrêmement visuelle, enchaîne plans et rythmes différents. Plans séquence où l’on voit quasi- littéralement, les personnages se faire prendre dans la tempête, dans cet Estérel de rêve mué en décor d'épouvante. Ou se battre. Boxer. Faire l'amour. Calmer un bébé qui hurle. Mais aussi des flashes-back où ils retournent à leur passé, leur hantise ou leur cauchemar. Et des arrêts sur images, avec, en décor-acteur souverain, la mer en furie ou enfin calmée, la mer omniprésente.
5. Le miroir d’une société en crise
C’est le portrait d’une société qui se paupérise, la nôtre, et ses ferments de haine soigneusement entretenus. Mais c’est aussi, à la différence d’un Houellebecq, la possibilité d’un lien, d’une solidarité, d’un amour rédempteur. Un roman sur la France du XXIe siècle qui réussit ce miracle : évoquer au plus juste la crise et susciter son (possible) antidote : toute les gammes d’une tendresse poignante et jamais vaincue. Même si ...Sauf si ...
"Peine perdue" ? Pas pour le lecteur. Les fans d'Olivier Adam y retrouveront les thèmes chers à l'auteur qui souffle cette année ses 40 ans : la mer, l'enfance, l'injustice sociale, la réduction des possibles, la beauté malgré tout. Les autres le découvriront d'emblée au sommet de son art, dans ce qui est sans doute son meilleur roman, à la structure narrative parfaite. Ils y trouveront aussi le visage d'une France précaire, éclairée par un regard aimant.
Peine perdue Olivier Adam (Flammarion - 21,50 euros)
Extrait :
Voilà le genre de choses qui l'obsède ces temps-ci. Ca et la somme de ce qui se fige dans nos vies sans qu'on l'ait vraiment décidé. Rien foutre à l'école parce que ça paraît juste normal, parce qu'on a autre chose à penser, les mecs les fringues les soirées le bon temps les plongeons les joints la baise les calanques le soleil, et comprendre à un moment que ça a déterminé une fois pour toutes le genre de boulot qu'on fait et la vie qu'on mène, les gens qu'on rencontre, comme si tout d'un coup la vie tellement immense et solaire au départ se résumait à plus grand-chose, une grisaille comme de la cendre fine tombée sur toutes choses, champ des possibles rétréci au strict minimum, une vie réduite et vaillante, mais réduite quoiqu'on en pense.
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