Débat : faut-il interdire le livre de Marcela Iacub ?
Dans Le Monde du week-end, l'écrivain Christine Angot, dénonce les rapprochements évoqués de son oeuvre avec le livre de Marcela Iacoub "Non, non et non", s'insurge l'auteur de "Une semaine de vacances", ce qu'a fait Iacub avec "Belle et bête" n'est pas la même chose que ce que je fais."."Marcela Iacub dit qu'elle se voit comme Voltaire éclairant, de ses lumières, la société. Il ne faut pas se voir du tout quand on écrit. Ni en Voltaire, ni en Casanova ni même en soi.", insiste Angot.
"Facile"
L'écrivain reproche à Marcela Iacub d'avoir cédé à la "facilité", relevant que la juriste avait inventé les scènes sexe, "c'est tellement plus pratique. Et plus facile. La littérature ce n'est pas ça. C'est donner une forme même à ce qui est vide dans la tête, sans rien substituer à ce vide, en recréant l'état de vacance totale de l'esprit pendant que le corps est touché par un autre", explique Angot.
"Oui je suis choquée quand je lis sous la plume de Jérôme Garcin reprenant la vision de Iacub, DSK "grand consommateur de laiderons" De qui parle-t-on?", poursuit l'écrivain, et elle s'en prend aussi à la bonne foi affichée de l'hebdomadaire, "Journal dont je salue au passage la défense d'un livre par amour soudain de la littérature et au mépris tout aussi soudain de l'atteinte à la vie privée, je les ai connus moins engagés au côté des écrivains."
Angot interroge : "Elle écrit "j'étais folle de toi" alors que "tu étais insensible" et que "tu n'avais aucune culture". De quelle culture parle-t-elle ? Pense-t-elle vraiment que DSK n'a aucune culture ? Pense-t-elle vraiment que ceux qui n'ont aucune culture sont insensibles et brutaux ? Pense-t-elle vraiment que Libération et Le Nouvel Obs c'est la seule culture ?"
"Prêts à tout"
Dans la même édtion du Le Monde, une autre tribule intitulée "Prêts à tout", signée par des éditrices, Joëlle Losfeld, Annie Morvan, Liana Levi, des librairies et des journalistes tire un signal d'alarme. "Journalistes, éditeurs, auteurs, libraires, sommes-nous prêts à tout pour sauver nos professions ? C'est la question que nous devons nous poser aujourd'hui face à la parution fortement médiatisée du texte de Marcela Iacub" s'intérrogent les signataires. "Prêts à tout, les auteurs, pour faire un best-seller ?"
"Prêts à tout, les éditeurs, pour avoir un titre dans la liste des meilleures ventes ?", les signataires du texte interrogent la maison d'édition Stock qui compte à son catalogue "Stefan Zweig, Virginia Woolf, Isaac Singer, qui retrousse ses manches pour défendre un livre douteux."
"Ce livre fera date. La date où l'édition aura signé son arrêt de mort, la date où les éditeurs seront devenus non pas des catalyseurs de littérature, d'idées, de recherche, mais des vendeurs de papier et d'e-books racoleurs. Si personne ne réagit. Celle où les journaux de contenu cesseront de paraître parce qu'on leur préférera définitivement la facilité et le sensationnel. Si personne ne réagit." et de conclure : " Sommes-nous prêts à vivre dans un monde où la prostitution morale, la vulgarité, le lynchage public, le profit deviennent les valeurs centrales?".
Le livre de Marcela Iacub peut-il être interdit ?
Interrogé ce matin par Pascal Clark sur France Inter, Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste de l'édition, explique en vertu de quoi le livre de Marcela Iacub pourrait être interdit. Même si la juriste ne cite pas nommément Dominique Strauss-Kahn dans son ouvrage, il suffit que suffisamment d'éléments permettent de le reconnaître pour que l'atteinte à la vie privée soit retenue. La publicité du Nouvel Observateur constituant évidemment un élément à charge dans cette affaire.
Interrogé sur ce livre lundi matin France Inter, Manuel Valls a déclaré qu'il n'avait pas lu le livre, mais qu'au vu des extraits publiés dans la presse, "c'est plutôt le dégoût qui l'emporte".
Selon Le Figaro, "Belle et Bête a été tiré à 33.000 exemplaires mais Stock attend la décision du tribunal pour procéder à une éventuelle réimpression, inquiet de la perspective de devoir insérer un avertissement au lecteur, sous forme de fiche cartonnée, en cas de condamnation, manoeuvre matériellement compliquée, sachant que ce type de livre a une durée de vie en librairie qui ne dépasse pas la période d'exposition médiatique.
Précédents
L'interdiction reste rare : en 1996, la justice avait ainsi ordonné le retrait pour violation du secret médical de l'ouvrage écrit par le médecin de François Mitterrand, le Dr Claude Gubler. En 1997, François Léotard avait obtenu 800.000 francs (122.000 euros) contre un ancien journaliste du Canard enchaîné qui l’avait accusé, sans le citer nommément, d’avoir commandité l’assassinat de la députée Yann Piat et le livre avait été retiré de la vente.
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