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"Dix décembre" : dix nouvelles extraordinaires de George Saunders
Peu traduit en France, l’écrivain George Saunders est considéré outre-atlantique comme un grand maître de la nouvelle. Avec "Dix décembre" (Editions de L’Olivier), il signe un chef d’oeuvre du genre. Entre peinture sociale et exploration approfondie des psychologies, plus un soupçon d’anticipation, le romancier projette le lecteur dans la violence et les absurdités du monde moderne. Virtuose.
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Temps de lecture : 4min
"Dix décembre", dix nouvelles
Une jeune fille, seule à la maison à la veille de son quinzième anniversaire, se fait son cinéma. Alison Pope imagine un "Tour d’honneur", mettant en scène son "futur bien-aimé", Elle fait intérieurement le tour des garçons de la région, mais pas un n’est à la hauteur et surtout pas son pâle voisin Kyle, un "squelette avec une coupe de mulet". Non. Son "bien aimé" viendra de loin.
Tiens ! On sonne à la porte "Jeté, jeté, rond de jambe. Pas de bourrée, on ouvre la porte et… ". C’est un inconnu qui est là… La scène, que le fameux voisin rachitique Kyle observe depuis chez lui ressemble à un rapt, mais l’adolescent, figé, ne bouge pas, la tête truffée d’injonctions paternelles…Dans cette première nouvelle, on passe du récit subjectif de l’un à l’autre des personnages, ses pensées secrètes, ses rêves, ses réticences, ses pulsions. Glaçant jusqu’à la chute, inattendue.
L’efficacité d’une écriture
George Saunders égrène les nouvelles, tantôt très courtes (deux pages) d’autres beaucoup plus longues et chapitrées, toujours avec la même efficacité. Dans l’une on découvre un ancien prisonnier libéré pour servir de cobaye dans des expériences scientifiques, dans une autre un homme prêt à tout pour faire le bonheur de ses enfants, y compris s’équiper de "poupées simplica" dans son jardin (des vrais êtres humains attachés comme des pantins sur un portique pour décorer) ...
Dans les pensées de ses personnages
Chaque fois, Saunders cueille le lecteur et ne le lâche pas. D’une écriture charnue, musclée, il pénètre les pensées les plus intimes de ses personnages : les frayeurs des enfants, le poids sur eux de l’autorité des adultes, les frustrations de ces derniers, la jalousie, l’envie de bien faire et le besoin de reconnaissance, le désespoir, et la violence de la société. Mais le romancier déniche aussi les nobles sentiments, le courage, inattendu, des êtres humains quand ils sont confrontés à l’horreur.
Même s’il décrit un monde violent et cruel, George Saunders est un humaniste, qui croit en la bonté ultime de l’homme. A travers ces courtes histoires, c’est aussi un portrait de l’Amérique que dresse le nouvelliste, celle des inégalités et de la violence sociale.
"Tout simplement le meilleur livre de l’année" pour le New York Times. "Dix décembre" est une belle invitation à lire des nouvelles, un genre si mal aimé de ce côté-ci de l’Atlantique. Dix décembre James Saunders, traduit de l’anglais (États-unis)par Olivier Deparis (Éditions de L’Olivier – 256 pages – 22 euros).
Extrait:
Le voilà qui courait. Il traversait la pelouse. Oh non ! Qu’est-ce qu’il faisait ? Merde, le nombre de règles qu’il enfreignait! Il courait dans le jardin (mauvais pour le gazon), transportait une géode dans son emballage protecteur, exerçait une contrainte sur la clôture en l’escaladant – clôture qui avait coûté une somme rondelette-, sortait du jardin, sortait du jardin pieds nus, pénétrait sans autorisation dans la Zone secondaire, entrait dans l’eau du ruisseau pieds nus (morceaux de verre, micro-organismes dangereux) ; et ce n’était pas tout, il comprit soudain quelle était l’intention de cette partie écervelée de lui-même, et qui allait à l’encontre d’une règle si importante et absolue que ce n’en était même pas une, dans la mesure où on n’a pas besoin d’une règle pour savoir combien il est totalement verboten de …"
Une jeune fille, seule à la maison à la veille de son quinzième anniversaire, se fait son cinéma. Alison Pope imagine un "Tour d’honneur", mettant en scène son "futur bien-aimé", Elle fait intérieurement le tour des garçons de la région, mais pas un n’est à la hauteur et surtout pas son pâle voisin Kyle, un "squelette avec une coupe de mulet". Non. Son "bien aimé" viendra de loin.
Tiens ! On sonne à la porte "Jeté, jeté, rond de jambe. Pas de bourrée, on ouvre la porte et… ". C’est un inconnu qui est là… La scène, que le fameux voisin rachitique Kyle observe depuis chez lui ressemble à un rapt, mais l’adolescent, figé, ne bouge pas, la tête truffée d’injonctions paternelles…Dans cette première nouvelle, on passe du récit subjectif de l’un à l’autre des personnages, ses pensées secrètes, ses rêves, ses réticences, ses pulsions. Glaçant jusqu’à la chute, inattendue.
L’efficacité d’une écriture
George Saunders égrène les nouvelles, tantôt très courtes (deux pages) d’autres beaucoup plus longues et chapitrées, toujours avec la même efficacité. Dans l’une on découvre un ancien prisonnier libéré pour servir de cobaye dans des expériences scientifiques, dans une autre un homme prêt à tout pour faire le bonheur de ses enfants, y compris s’équiper de "poupées simplica" dans son jardin (des vrais êtres humains attachés comme des pantins sur un portique pour décorer) ...
Dans les pensées de ses personnages
Chaque fois, Saunders cueille le lecteur et ne le lâche pas. D’une écriture charnue, musclée, il pénètre les pensées les plus intimes de ses personnages : les frayeurs des enfants, le poids sur eux de l’autorité des adultes, les frustrations de ces derniers, la jalousie, l’envie de bien faire et le besoin de reconnaissance, le désespoir, et la violence de la société. Mais le romancier déniche aussi les nobles sentiments, le courage, inattendu, des êtres humains quand ils sont confrontés à l’horreur.
Même s’il décrit un monde violent et cruel, George Saunders est un humaniste, qui croit en la bonté ultime de l’homme. A travers ces courtes histoires, c’est aussi un portrait de l’Amérique que dresse le nouvelliste, celle des inégalités et de la violence sociale.
"Tout simplement le meilleur livre de l’année" pour le New York Times. "Dix décembre" est une belle invitation à lire des nouvelles, un genre si mal aimé de ce côté-ci de l’Atlantique. Dix décembre James Saunders, traduit de l’anglais (États-unis)par Olivier Deparis (Éditions de L’Olivier – 256 pages – 22 euros).
Extrait:
Le voilà qui courait. Il traversait la pelouse. Oh non ! Qu’est-ce qu’il faisait ? Merde, le nombre de règles qu’il enfreignait! Il courait dans le jardin (mauvais pour le gazon), transportait une géode dans son emballage protecteur, exerçait une contrainte sur la clôture en l’escaladant – clôture qui avait coûté une somme rondelette-, sortait du jardin, sortait du jardin pieds nus, pénétrait sans autorisation dans la Zone secondaire, entrait dans l’eau du ruisseau pieds nus (morceaux de verre, micro-organismes dangereux) ; et ce n’était pas tout, il comprit soudain quelle était l’intention de cette partie écervelée de lui-même, et qui allait à l’encontre d’une règle si importante et absolue que ce n’en était même pas une, dans la mesure où on n’a pas besoin d’une règle pour savoir combien il est totalement verboten de …"
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