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Festival Hors limites : Célia Houdart lit "Gil" au conservatoire

Le festival Hors-limites propose des rencontres vivantes autour de la littérature dans toutes sortes de lieux de Seine-Saint-Denis. Pour la première fois cette année, le conservatoire de musique de Rosny-sous-bois accueillait une performance : une "lecture récital" composée d'extraits du roman "Gil" lus par son auteur, Célia Houdart, et les voix de trois élèves de la classe de chant lyrique.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Célia Houdart lit des extraits de  "Gil" (P.O.L)
 (Laurence Houot / Culturebox)
Drôle d'endroit pour une rencontre

Rosny-sous-bois, conservatoire Francis Poulenc, début de soirée. On entend ici et là des notes à travers les portes. Dans le hall, des enfants circulent, instrument sous le bras, pendant que les parents attendent. Bref, une ambiance habituelle dans un conservatoire de musique. Enfin presque : ce soir, dans l’auditorium, une femme lit devant un piano à queue. Puis la lectrice laisse sa place et une jeune femme se lève et chante. "Au bord de l'eau", de Gabriel Fauré, emplit tout l’espace.
Roxane Glouzman, chante "Au bord de l'eau" Gabriel Fauré
 (Laurence Houot / Culturebox)
Ce soir, le conservatoire accueille pour la première fois une performance du festival Hors Limites. Un festival qui fait entrer la littérature dans des lieux où l’on ne l'attend pas. L’écrivain Célia Houdart lit des extraits de son dernier roman, "Gil" (POL) et les voix de trois élèves du conservatoire l’accompagnent. Elles ont choisi ensemble les pièces musicales, mais ne se sont jamais vues avant aujourd’hui. La rencontre a lieu sous les yeux du public.

Retour aux sources du roman

Le chant, c'est le sujet de "Gil", le 4e roman de Célia Houdart qui raconte la découverte de sa voix par un jeune pianiste. "Quand je suis entrée ici, que j’ai poussé la porte de l’auditorium, raconte la romancière, cela m'a vraiment fait l'effet d’entrer dans la fiction. C’est la première fois que "Gil" rencontre cette situation. Ca m'a donné l'impression d’être au cœur de la matière de mon livre, de revenir aussi à la genèse", explique Célia Houdart, qui dit avoir assisté il y a trois ans à des répétitions, à des cours de chant pour préparer l’écriture de son roman.
Karine Maigret chante -"E gelosia" ("Alcina" de Haendel)
 (Laurence Houot / Culturebox)
"Le conservatoire, c’est le lieu de la musique, le lieu du chant. C’est donc le lieu même de la matière de ma fiction. C’est donc très touchant de venir lire ici. D’inscrire ma voix parmi celle des musiciens", ajoute la romancière.

"J’ai lu le roman de Célia", ajoute Alba Isus, le professeur des trois chanteuses qui se sont lancées dans cette aventure. "Ce qui m'a touchée dans le roman, c’est ce personnage qui trouve sa voix, dans les deux sens du terme. Il trouve sa voie en trouvant sa voix". La professeur dit avoir été tout de suite enthousiasmée à l’idée de participer à ce projet. "Le texte, la poésie, est à l’origine de tous les opéras, et puis je suis pour tout ce qui peut ouvrir les élèves à d’autres formes de culture", souligne-t-elle.

Décloisonner les arts

Vincent Creacheadec, le directeur du conservatoire, à l’initiative du projet, ne dira pas le contraire. "J’ai vraiment envie de décloisonner le conservatoire, de proposer aux élèves de rencontrer des artistes au sens large", explique-t-il. "Et là en plus, le sujet du roman s’y prêtait particulièrement".

Roxane Glouzman, la cadette des trois chanteuses, se dit ravie de participer au projet. "Déjà je me sens proche du personnage du roman, puisque moi aussi j’étais pianiste et j’ai découvert ma voix assez tard. Et puis je trouve ça intéressant de confronter notre musique à ce livre qui parle d’un musicien. C’est une manière différente de travailler. Je trouve ça intéressant", explique la jeune femme.

Et la magie de la rencontre entre le texte et les voix a bien lieu. Les voix portées par le texte et le texte incarné par les chants. "C’était un moment très beau. J’ai vraiment senti l’énergie des chanteuses et j’ai eu le sentiment que la fiction se nourrissait de la présence physique du chant", murmure la romancière, émue, à l’issue de la performance. "Moi j’étais complètement absorbée par le texte", explique Roxane.

"D’habitude on est obsédé par ce qu’on doit chanter, alors que là, j’étais dans une histoire", ajoute-t-elle. "Oui moi j’étais complètement prise par le roman et tout à coup c’est comme si je me réveillais  pour aller chanter", ajoute Angela Baker, qui interprétait -"In uomini" un air de l'opéra de Mozart "Cosi fan Tutte".
Angelina Baker chante "In uomini", "Cosi Fan tutte", Mozart
 (Laurence Houot / Culturebox)
La soirée se poursuit avec des échanges entre la romancière et les chanteuses, devant un public attentif, pour moitié des habitués du conservatoire, pour l'autre des amateurs de littérature. "On se retrouve complètement dans ce que raconte le livre : la découverte de la voix, les claques qu’on prend, les difficultés pour trouver sa couleur, le bonheur de chanter aussi", ajoute Karine Maigret, visage radieux, qui vient d'interpréter "E gelosia" un air d'Alcina, de Haendel.

Ouvrir les oreilles

"Dans ce roman, j'ai voulu rendre hommage aux professeurs de musique. A ces gens qui restent dans l'ombre des artistes", explique la romancière. "Ce drôle de rapport entre le professeur et son élève, et comment on fait advenir l'autre à sa propre voix, ces phrases, ces gestes qui accompagnent l'élève" ajoute Célia Houdart. "C'est toute la difficulté ! On peut écrire des grands traités sur comment il faut enseigner le chant, mais en fait c'est un travail à deux, c'est une relation à un corps, à une voix, à une psychologie, et c'est chaque fois différent", poursuit Alba Isus, le professeur de chant.

Pendant une heure après la performance, la romancière et les chanteuses poursuivent cette conversation informelle. Elles parlent musique, son, corps, mots… Et lèvent le voile sur les mystères de leur travail de création. "J'avais envie que le lecteur se mette en condition d'écoute, donc dès les premières scènes, je fais tout sonner pour qu'il ouvre ses oreilles", explique Célia Houdart. Et c'est ainsi que l'on pourrait résumer cette performance, où texte et voix se sont conjugués et ont sonné d'une manière qui a ouvert les oreilles sur la musique des notes autant que sur celle des mots.

Festival Hors Limites 
Jusqu'au 11 avril 2015

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