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"Fuir Pénélope", le premier roman théâtral de Denis Podalydès
Denis Podalydès publie son premier roman. Il y raconte la première expérience au cinéma de Gabriel, un jeune comédien de théâtre. Après "Voix off", un essai couronné en 2008 par le prix Fémina, le comédien et metteur en scène confirme avec "Fuir Pénélope" (Mercure de France) son goût et son talent pour l'écriture. En librairie le 9 janvier.
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L'histoire : Gabriel est un jeune acteur fraichement sorti du conservatoire. Un réalisateur grec débutant lui propose le rôle principal dans son premier film. Le jeune cinéaste a été l'assistant de Théo Angelopoulos mais patauge sérieusement. Gabriel se lance dans l'aventure avec enthousiasme. Il vient d'être quitté par sa fiancée et trouve dans ce tournage le moyen d'échapper à la douleur qui accompagne cette rupture.
En lisant les premières pages de ce roman, on ne peut pas s'empêcher d'entendre la voix si particulière de Denis Podalydès. Et de sourire. Racontée avec nonchalance, l'histoire commence par une leçon de conduite désastreuse, qui se termine par un "encastrement de la voiture auto-école dans l'arrière train d'une deux-chevaux".
Un amoureux des lettres
"Fuir Pénélope" est un roman. Mais les personnages ont tout de même à voir avec l'auteur. Gabriel, comme Denis, est comédien. Comme lui, il a un amour immodéré pour les textes et la langue. Il aime les lire. Il aime les dire. Pendant toute cette aventure de tournage, Gabriel ne se sépare jamais de son Rabelais, qu'il lit, relit, déclame dans ses chambres d'hôtel (du coup on en profite, un peu de Rabelais ça ne fait jamais de mal).
Gabriel, comme Denis, a un frère dont on comprend qu'il joue un rôle majeur dans sa vie. Le roman explore aussi l'inépuisable sujet de l'amour. Podalydès fait cela sans aucune concession, en montrant les emportements que ce sentiment déclenche mais aussi les petits arrangements qui l'accompagnent.
Gabriel aspire à une vie qui ressemblerait à "une route bien droite, bordée d'arbres hauts, dont les feuillages au-dessus formaient une nef, comme il se doit, avec ma femme à mon côté, aussi tranquille et confiante que moi, et sa main venait se poser sur ma nuque." Une vie où il pourrait dire cette phrase "Je veux rentrer chez moi et retrouver ma femme et mes enfants", qui serait l'expression de "tout le bonheur possible en ce monde". Mais la vie en va autrement.
Une histoire mise en scène comme au théâtre
Denis Podalydès déroule théâtralement son histoire. Les personnages sont qualifiés selon les circonstances d'adjectifs qui tracent à grands traits leurs humeurs et en font des figures dessinées comme à la scène : "Thémis la pétrifiée", "Juan le Ténébreux", "Angeliki l'Avisée" ou "Marianne la Lointaine". Distillées comme des notes de mise en scène, ces petites inventions d'écriture donnent à son histoire une couleur bien particulière, qui installe le lecteur dans une posture de spectateur, tantôt surpris, tantôt ému, souvent amusé.
Un peu comme si le Denis Podalydès écrivain mettait en scène le Denis Podalydès comédien. On apprend beaucoup -ce sont sans doute les pages les plus réussies du livre- sur ce qui se passe dans les tréfonds de son être quand un comédien joue la comédie. Et aussi les désagréments du 7e art : un pull qui gratte en guise de costume, les latences et les attentes interminables font aussi partie du cinéma. Denis Podalydès nous les fait partager, jusqu'à flirter avec l'ennui. Mais la langueur est de courte durée. C'est souvent drôle, et très joliment écrit.
Fuir Pénélope Denis Podalydès (Mercure de France - 280 pages - 18,80 euros - sortie le 9 janvier)
Extrait :
"Du fonds de la langue nait une rumeur. Le texte a pris toute la place, je ne suis rien d'autre que cette remontée sonore, encore discrète, que ma propre voix tire de ces profondeurs marines, épaisseurs et paysages qu'elle s'efforce de devenir elle-même."
Denis Podalydès est acteur, metteur en scène, scénariste, sociétaire de la Comédie-Française. Il a écrit "Voix off", un essai couronné par le prix Femina Essai en 2008.
En lisant les premières pages de ce roman, on ne peut pas s'empêcher d'entendre la voix si particulière de Denis Podalydès. Et de sourire. Racontée avec nonchalance, l'histoire commence par une leçon de conduite désastreuse, qui se termine par un "encastrement de la voiture auto-école dans l'arrière train d'une deux-chevaux".
Un amoureux des lettres
"Fuir Pénélope" est un roman. Mais les personnages ont tout de même à voir avec l'auteur. Gabriel, comme Denis, est comédien. Comme lui, il a un amour immodéré pour les textes et la langue. Il aime les lire. Il aime les dire. Pendant toute cette aventure de tournage, Gabriel ne se sépare jamais de son Rabelais, qu'il lit, relit, déclame dans ses chambres d'hôtel (du coup on en profite, un peu de Rabelais ça ne fait jamais de mal).
Gabriel, comme Denis, a un frère dont on comprend qu'il joue un rôle majeur dans sa vie. Le roman explore aussi l'inépuisable sujet de l'amour. Podalydès fait cela sans aucune concession, en montrant les emportements que ce sentiment déclenche mais aussi les petits arrangements qui l'accompagnent.
Gabriel aspire à une vie qui ressemblerait à "une route bien droite, bordée d'arbres hauts, dont les feuillages au-dessus formaient une nef, comme il se doit, avec ma femme à mon côté, aussi tranquille et confiante que moi, et sa main venait se poser sur ma nuque." Une vie où il pourrait dire cette phrase "Je veux rentrer chez moi et retrouver ma femme et mes enfants", qui serait l'expression de "tout le bonheur possible en ce monde". Mais la vie en va autrement.
Une histoire mise en scène comme au théâtre
Denis Podalydès déroule théâtralement son histoire. Les personnages sont qualifiés selon les circonstances d'adjectifs qui tracent à grands traits leurs humeurs et en font des figures dessinées comme à la scène : "Thémis la pétrifiée", "Juan le Ténébreux", "Angeliki l'Avisée" ou "Marianne la Lointaine". Distillées comme des notes de mise en scène, ces petites inventions d'écriture donnent à son histoire une couleur bien particulière, qui installe le lecteur dans une posture de spectateur, tantôt surpris, tantôt ému, souvent amusé.
Un peu comme si le Denis Podalydès écrivain mettait en scène le Denis Podalydès comédien. On apprend beaucoup -ce sont sans doute les pages les plus réussies du livre- sur ce qui se passe dans les tréfonds de son être quand un comédien joue la comédie. Et aussi les désagréments du 7e art : un pull qui gratte en guise de costume, les latences et les attentes interminables font aussi partie du cinéma. Denis Podalydès nous les fait partager, jusqu'à flirter avec l'ennui. Mais la langueur est de courte durée. C'est souvent drôle, et très joliment écrit.
Fuir Pénélope Denis Podalydès (Mercure de France - 280 pages - 18,80 euros - sortie le 9 janvier)
Extrait :
"Du fonds de la langue nait une rumeur. Le texte a pris toute la place, je ne suis rien d'autre que cette remontée sonore, encore discrète, que ma propre voix tire de ces profondeurs marines, épaisseurs et paysages qu'elle s'efforce de devenir elle-même."
Denis Podalydès est acteur, metteur en scène, scénariste, sociétaire de la Comédie-Française. Il a écrit "Voix off", un essai couronné par le prix Femina Essai en 2008.
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