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Harrison, Ford, Morrison : la rentrée littéraire est également américaine

Les auteurs américains se taillent la part du lion de la rentrée littéraire du côté des romans étrangers et parmi ces écrivains, difficile sinon impossible de passer à côté des poids lourds que sont Richard Ford, Toni Morrison ou Jim Harrison.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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L'écrivain américain Jim Harrison à Paris en 2010.
 (Pierre Le Masson/PHOTOPQR/VOIX DU NORD)

Dès jeudi 17 septembre, les lecteurs fidèles de Richard Ford retrouveront un ami de près de 30 ans, Frank Bascombe, héros de "En toute franchise" (L'Olivier), un recueil de quatre nouvelles sans illusions et bercées de mélancolie, du grand écrivain américain, âgé de 71 ans. 

Frank Bascombe, le personnage de Ford, revient après la réélection d'Obama

Frank Bascombe est apparu pour la première fois sous la plume de Ford en 1986 dans "Un week-end dans le Michigan", sans doute le livre qui a fait connaître Richard Ford dans le monde francophone. Journaliste sportif (comme le fut Ford) et écrivain contrarié (au contraire de Ford, auteur d'une douzaine d'ouvrages, prix Femina étranger pour "Canada" en 2013), Bascombe, devenu agent immobilier, est revenu dans "Indépendance" puis dans "L'état des lieux". Dans  le nouvel opus de Ford, on le retrouve retraité, âgé de 68 ans, juste après la réélection de Barack Obama.

Oscillant entre lucidité et désillusion, il sera question de l'ouragan Sandy, de maladie, de retrouvailles, de souvenirs et, bien sûr, de franchise. Avec habileté Richard Ford fait se demander à son héros (et à ses lecteurs) s'il faut préférer la facilité de l'égoïsme à la difficulté d'aimer.

Les chemins de traverse de Jim Harrison 

Jim Harrison, l'auteur de "Dalva" et "Légendes d'automne" fait reprendre du service lui aussi à un de ses héros récurrents, l'inspecteur retraité Sunderson dans "Péchés capitaux" (Flammarion). Ses lecteurs l'avaient croisé pour la dernière fois il y a trois ans dans "Grand maître". On retrouve l'enquêteur retraité (qui ressemble furieusement à Jim Harrison lui-même) quelque part dans le Michigan. Passionné de pêche, gros buveur (encore une fois comme son créateur), Sunderson entend profiter de sa retraite sauf que cela ne se passe pas comme prévu.

A 78 ans, Jim Harrison, plus de 25 romans et quelques recueils de poésies à  son actif, n'a rien perdu de sa truculence. Le roman, joyeux et foutraque, suit les codes du roman policier pour mieux entraîner le lecteur sur des chemins de traverse et faire réfléchir sur les Etats-Unis aujourd'hui. Puisqu'il est question de revisiter les sept péchés capitaux, il sera  question de gourmandise, d'orgueil mais surtout de luxure. Le héros de Harrison, Sunderson, 66 ans, couche avec une jeune femme de 19 ans, il a une aventure avec sa belle-fille... Mais, aussi horrible que cela puisse paraître au nom de la décence, le péché le plus grave ne serait-il pas un huitième : la  violence qui gangrène l'Amérique, se demande l'auteur d'"Un bon jour pour  mourir".

Les voisins de Sunderson, des "redneck" butés et malfaisants sont l'archétype de cette Amérique violente qui dégaine plus vite que son ombre. Mais Harrison, sans doute le plus humaniste des écrivains américains sous ses allures d'ours du Montana, va plus loin. Comme dans plusieurs autres de ses romans il évoque "le péché originel" de l'Amérique, le massacre des Indiens par les colonisateurs blancs.

Une peau trop noire

Toni Morrison, 84 ans, prix Nobel de littérature en 1993, revient quant à elle sur une autre plaie des Etats-Unis : le racisme. "Délivrances" (Bourgois) raconte l'histoire d'une jeune fille  d'aujourd'hui, Lula Ann, rejetée par sa propre mère en raison de sa peau trop noire.

Le 11e roman de l'auteure de "Beloved" se lit comme une fable sociale, un conte cruel et fantastique mais il est ancré dans la réalité de l'Amérique contemporaine, une époque où s'aventure rarement Toni Morrison. Pour trouver grâce au yeux de sa mère, Lula Ann ira jusqu'à commettre l'irréparable en accusant une Blanche innocente d'un crime qu'elle n'a pas commis. Devenue Bride (à une lettre près le mot fierté en anglais), la jeune femme fera de sa noirceur un atout en menant en brillante carrière dans le monde des cosmétiques. Mais pourra-t-elle retrouver son innocence ? Comment se libérer des blessures de l'enfance ? C'est avec une incroyable compassion que Toni Morrison tente de répondre à ces questions.

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