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Houellebecq présente "Soumission" en Allemagne

Michel Houellebecq, qui a suspendu en France la promotion de son dernier roman "Soumission" après la tuerie de "Charlie Hebdo", le présente ce lundi en Allemagne où l'admiration qu'il suscite dépasse les polémiques françaises sur son éventuelle islamophobie.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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La version allemande de "Soumission" remporte un grand succès en Allemagne. Ici dans une librairie de Cologne (14 janvier 2015)
 (Olivier Berg /DPA / MaxPPP)

Cette lecture annoncée "à guichet fermé" doit se dérouler à Cologne dans la soirée de lundi.

Pendant ce temps, à l'autre bout du pays, à Dresde, le mouvement anti-islam Pegida a été contraint d'annuler sa manifestation hebdomadaire à cause d'un risque d'attentat, dans un contexte de tensions autour des menaces jihadistes en Europe.

La police de Cologne a interdit toute manifestation publique dans cette ville pour ce lundi en évoquant "un risque terroriste concret". Mais elle a ajouté qu'aucun rassemblement n'était prévu pour l'instant aux abords du théâtre où Houellebecq était attendu.

En Allemagne, il faut déposer à l'avance auprès des autorités tout projet de manifestation ou de rassemblement, en précisant le nombre de participants escomptés.

Une seule présentation de "Soumission" à l'étranger
Michel Houellebecq participera à une lecture en allemand d'extraits de son roman dans le cadre du festival international de littérature LitCologne. Il s'agit de la seule présentation prévue à l'étranger de l'ouvrage, a indiqué à l'AFP l'attachée de presse de l'écrivain.

Au lendemain de l'attentat contre "Charlie Hebd"o, l'écrivain avait suspendu la promotion du livre, se disant "très affecté par la mort de son ami Bernard Maris", économiste de gauche assassiné avec onze autres personnes lors de l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique.

Un best-seller en Allemagne
"Soumission" ("Unterwerfung" en allemand), dans lequel l'auteur imagine une France dirigée par le chef d'un parti musulman, est d'ores et déjà un best-seller en Allemagne, alors qu'il n'est en vente que depuis le milieu de la semaine dernière.

L'éditeur allemand de Houellebecq, DuMont, a effectué un premier tirage de 100.000 exemplaires mais un retirage de 50.000 exemplaires a été prévu à partir de lundi. "Unterwerfung" s'annonce donc comme un vrai succès à l'instar des précédents ouvrages de l'écrivain, souvent qualifié en Allemagne d'enfant terrible (en français dans le texte) de la littérature hexagonale.

Controversé en France, adulé en Allemagne
Mais si les controverses suscitées par l'auteur en France lui ont valu ses premiers échos médiatiques en Allemagne, Houellebecq y jouit depuis d'une aura que beaucoup lui refusent dans son pays. "On a perçu Houellebecq dès le début beaucoup plus comme un intellectuel alors qu'en France, il a d'abord été considéré comme un auteur à scandale", explique à l'AFP l'universitaire Christian van Treeck, auteur d'une thèse sur "La réception de Michel Houellebecq dans les pays germanophones".

En Allemagne, Houellebecq a fait l'objet de cours universitaires, de recherches et ses romans sont adaptés à l'écran, à la scène, sous forme d'émissions de radio. L'auteur est même devenu, sous la plume de l'écrivain Bodo Kirchhof dans son livre "Schundroman" ("Roman de pacotille", 2002), un personnage rebaptisé "Ollenbeck", précise Christian van Treeck. "Ce sont tout autant les facteurs que des signes d'un début de canonisation."

Houellebecq n'est sensible qu'au jugement de ses pairs
Et la réception de "Soumission" par la critique allemande tranche avec les jugements dont Houellebecq fait l'objet en France. "La France, ça n'est pas Michel Houellebecq" et "ça n'est pas l'intolérance, la haine, la peur", a déclaré au lendemain de l'attaque de "Charlie Hebdo" le Premier ministre français Manuel Valls.

"C'est le jugement de mes pairs qui importe à mes yeux. Ce que dit Manuel Valls, je m'en fiche", a rétorqué l'écrivain. "Je suis Houellebecq", titrait en français le quotidien allemand de gauche "Tageszeitung" pour parler d'"Unterwerfung".

"Celui qui qualifie Houellebecq d'auteur à scandale qui ne fait que provoquer intentionnellement, celui-là devrait retirer Sade, Rimbaud, Baudelaire, Balzac de sa bibliothèque ou les lire une fois", y écrit la critique Doris Akrap. Elle y accuse ceux qui voient en Houellebecq un pourvoyeur d'idées du Front national ou de Pegida de n'avoir rien compris.

Son avis est loin d'être isolé : le prestigieux hebdomadaire "Die Zeit", de centre gauche, voit en "Soumission" "une satire pleine d'humour" tandis que le quotidien conservateur "Die Welt" affirme : "On ne le dira jamais assez fort : Soumission n'est en aucun cas un roman raciste ou islamophobe." Jan Küveler, critique de ce journal, assure : "Plus que tout autre écrivain européen actuel, Houellebecq a la sensibilité et le courage d'identifier des conflits larvés (de nos sociétés) et d'en faire la folle trame de ses récits."

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