"Il est de retour": Timur Vermes fait revenir Hitler dans l'Allemagne de 2014
Le titre sonne comme un film d’épouvante « il est de retour ». Mais loin d’une histoire de mort vivant, Timur Vermes nous fait pénétrer dans l’esprit du dictateur et nous conte à la première personne les démêlés de cet amnésique avec l’Allemagne d’aujourd’hui. La situation de départ peut paraître absurde, mais pas totalement inédite dans le travail de fiction outre Rhin autour du personnage toujours risqué et sulfureux d’Adolf Hitler.
La méthode littéraire aussi est ancienne, assez proche de celle des « lettres persanes » de Montesquieu ou des « carnets du major Thompson » en France. Un regard décalé sur une société contemporaine. Elle donne à l’auteur toute latitude de jeu décomplexé, mêlant humour et cynisme sur la société allemande et son environnement européen.
Et voilà cet Hitler renaissant en plein apprentissage des conventions de la société moderne. Hitler découvre la liberté de la presse, la nouvelle place de la femme dans la société. Il faut dire qu’il n’en revient pas vraiment de découvrir une chancelière à la tête de l’Allemagne ! Hitler apprend à faire les courses dans des magasins en self service, découvre avec stupeur que les blanchisseries allemandes sont tenues par des Turcs, bien nombreux à son goût dans le pays. Tout comme les Polonais à bas salaires venus construire les autoroutes du pays : « si j’avais su à l’époque combien le Polonais pouvait être bon marché, j’aurais fait l’impasse sur ce pays. »
Succès médiatique
Hitler, version XXIe siècle, personnage dans son uniforme pris pour un bouffon par les gens qu’il croise, mais Hitler toujours droit dans ses bottes. Son schéma de regard sur l’organisation de la société moderne n’a pas évolué depuis 1945. Il frise le ridicule quand il analyse le succès d’Ikea : « apprendre que le Suédois enregistrait d’énormes succès grâce à la fabrique de meubles en pièces détachées ne m’a d’ailleurs pas étonné outre mesure. Le Suédois, dans son petit Etat de voyous-comme l’a dit Himmler- est de toute façon toujours à la recherche de bois pour faire du feu ou autre. Rien d’étonnant donc que, de temps en temps, il en sorte une chaise ou une table. »
Mais plus que le ridicule, c’est le regard cynique sur le fonctionnement de nos sociétés qui fait grincer. Car ce faux candide de nouvel Hitler poursuit son ambition de retrouver un écho dans l’opinion publique. Petit à petit Hitler fait son nid dans les émissions de télé voyeuse, fangeuse. Les réseaux sociaux et les journaux prennent le relais. Et là tout le système médiatique en prend pour son grade. La mécanique de la fabrique d’une opinion servile est à nu. Fini de rire.
Le succès est déjà au rendez vous dans de nombreux pays. Le livre est traduit dans 35 langues ; en français par Pierre Deshusses. En attendant une adaptation au cinéma. Plus que le passé c’est le présent allemand qui semble faire recette.
« Il est de retour » de Timur Vermes, éditions Belfond
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