Jack London rejoint la Pléiade
"La meilleure histoire que Jack London ait jamais écrite est l'histoire qu'il a vécue", rappelle, cité par l'AFP, Philippe Jaworski qui a supervisé les deux volumes de la Pléiade consacrés au populaire écrivain américain en mentionnant une célèbre phrase du critique Alfred Kazin.
Mort il y a quasiment un siècle, le 22 novembre 1916, à seulement 40 ans, Jack London semble avoir brûlé la vie par les deux bouts. Même ses biographes restent stupéfaits du parcours météorique de cet "irrégulier des Lettres américaines".
Les deux volumes de la Pléiade sont loin de rassembler les œuvres complètes de l'auteur du "Talon de fer" mais ils permettent de se faire une idée de l'éclectisme (et du talent) de celui qui a été trop longtemps cantonné au rôle d'"écrivain pour la jeunesse".
Traductions nouvelles et illustrations d'époque
Tous les genres que Jack London a abordés et auxquels il a imprimé sa marque sont représentés : le roman ("L'appel du monde sauvage", "Le loup des mers", "Croc-Blanc", "Le talon de fer", "Martin Eden"), le récit ("Le trimard"), le reportage ("Le peuple de l'abîme"), l'autobiographie ("John Barleycorn"). Ces huit textes bénéficient de traductions nouvelles (établies à partir des premières éditions américaines) et sont présentés dans l'ordre chronologique de leur parution (1905 à 1913).On retrouve les illustrations ou les photos qui accompagnaient les éditions originales. Au total, les deux volumes, de 1.536 et 1.616 pages chacun, comptent 184 illustrations.
47 nouvelles de London, dont plusieurs pépites
Une place importante a également été apportée à la nouvelle, genre majeur aux États-Unis, dans lequel s'est particulièrement illustré Jack London. Un total de 47 nouvelles, soit le quart de sa production de nouvelliste, couvrant la période 1899 à 1916, sont publiées dans les deux volumes.On trouve plusieurs "pépites" comme "Faire un feu" (1908), un récit implacable, d'un style incroyablement concentré et dépouillé, sur la tragédie de l'inconscience. Ecrivain aux "mille mots par jour", "la création littéraire s'apparente chez London à un flux continu, régulier", souligne Philippe Jaworski dans sa préface. Le spécialiste de l'œuvre de London note que "les manuscrits dactylographiés de ses romans ne portent presque aucune correction (...) Le premier jet correspond presque toujours au texte publié".
Un auteur engagé, mais pétri de préjugés dans sa jeunesse
La lecture des textes rassemblés dans les deux luxueux volumes, notamment "Martin Eden" et "Le talon de fer" rappelle l'engagement de London en faveur du socialisme. "La colère de London devant les dégâts humains du capitalisme américain éclate partout dans son œuvre", note Philippe Jaworski.Mais, on découvre aussi un London plein de préjugés et raciste. Dans "John Barleycorn", autoportrait de l'artiste en ivrogne, London rapporte que sa mère lui enseignait que les Italiens, qui ont tous les yeux noirs, sont "traitres et sanguinaires" prêts à vous planter "un couteau dans le dos" sous un mauvais prétexte. "Le jeune London crut longtemps à ses fariboles", écrit Philippe Jaworski en rappelant qu'à son époque on croyait à une "hiérarchie des races".
Son roman le plus xénophobe, "Les mutinés de l'Elseneur", ne figure pas dans l'édition de la Pléiade. On trouve en revanche de nombreuses nouvelles, se situant dans le Klondike ou les archipels du Pacifique Sud, où London s'éloigne radicalement des préjugés qui sont les siens et prend parti pour les cultures autochtones détruites par "l'homme blanc".
"On a souvent souligné ses contradictions et ses ambiguïtés. Ce sont celles d'un homme qui n'a jamais voulu, su ou pu choisir entre ses appétits contraires, ses révoltes et ses ambitions", fait remarquer Philippe Jaworski. Ce qui anime vraiment l'écrivain et qui provoque toujours aujourd'hui un vrai plaisir de lecture c'est "l'esprit de liberté qui n'a cessé d'être le sien".
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