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"La contrée obscure" : le fracas des armes, le choc des cultures ou le génocide des Cherokees par les conquistadors

L’écrivain David Vann rend justice à ses ancêtres cherokees dans un livre poignant et captivant. Avec un talent exceptionnel, il revient sur une épopée macabre et sanglante. Grandiose.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Portrait de l'écrivain David Vann. (Jean-Marc Fiess)

David Vann est un formidable conteur, un romancier exceptionnel. Dans son nouveau livre, La contrée obscure (éditions Gallmeister), il laisse éclater tout son talent avec deux narrations distinctes : une cosmogonie, récit mythologique de la naissance de l’univers, et une chronique sanglante d’un génocide annoncé, récit macabre d’une extermination programmée. Au cœur des deux récits, la violence destructrice. Dans ce livre, David Vann rend justice à ses ancêtres, le peuple cherokee, et remonte aux racines du mal.

Don Quichotte sanguinaire

Le personnage principal, le conquistador Hernando de Soto, gouverneur de Cuba et marquis de la Florida, est une sorte de Don Quichotte sanguinaire mégalomane, assoiffé d’or et de gloire : "Je n’ai rien d’un homme ordinaire. La pureté de mon sang a été certifiée. Depuis ma naissance, je suis destiné à conquérir cette terre, et toute La Florida, et de plus grandes contrées encore. Je suis un marquis, pas un bandit quelconque qui hante la forêt en quête d’une poignée de pièces à voler. Dans la vie d’après aussi, je mènerai les immenses armées de notre seigneur contre les citadelles des autres dieux. Tout ça est bien trop petit pour moi".

Nous sommes le 3 juin 1539, Hernando de Soto se croit en terrain conquis. Il enfonce son épée dans le sol de La Florida et se proclame gouverneur officiel, adoubé par le roi Charles Quint. Avec un style incisif, David Vann décrit ce choc culturel, ce fracas des armes, né de la rencontre entre des Espagnols, avides et imbus d’une supposée supériorité morale et religieuse, surarmés et des Cherokees vaillants, rusés et désespérés, ne disposant que d’arcs et de flèches.

Chronique d’un génocide annoncé

Un combat déséquilibré d’un canon contre une lance, de conquistadors conquérants contre des Cherokees désarmés, les premiers asservissant les autres au prétexte de ne pas prier le bon Dieu. Les autochtones sont déshumanisés, tués, traqués et emprisonnés pour être vendus comme esclaves. Au nom de Dieu, de la civilisation…

David Vann, prix Médicis 2010 pour Sukkwan Island (éditions Gallmeister), réussit à rendre toute la complexité de la situation. Son personnage Ortiz, victime et coupable, un pied dans chaque monde, illustre ce choc des cultures. L’auteur emmène le lecteur dans un univers fantastique avec les mystères de la création et le fait aussi vivre, avec force de détails, l’épopée sanglante du conquistador Hernando de Soto. David Vann convoque le mythe et l’histoire. Il est le fruit des deux. Vertigineux.

"La contrée obscure", David Vann, traduit par Laura Derajinski, éditions Gallmeister, 26 euros

Couverture du livre "La contrée obscure" de David Vann. (Eéditions Gallmeister)

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