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"La septième fonction du langage", de Laurent Binet, Prix du roman Fnac 2015

Premier prix littéraire de la rentrée, le Prix du roman Fnac a été attribué mardi à Laurent Binet pour "La septième fonction du langage" (Grasset), un livre aux allures de roman policier, à la fois hilarant et extrêmement savant.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Laurent Binet le 8 juillet 2015 à Paris
 (Joël Saget / AFP)

Le point de départ du roman n'est rien de moins que l'"assassinat" de Roland Barthes, mort à Paris, écrasé par une camionnette, le 25 février 1980. Bien sûr, il s'agit d'une pure fiction.

"Je n'ai pas tué Barthes. Il est vraiment mort dans un accident", se justifiait récemment Laurent Binet, tout sourire, lors d'un entretien avec un journaliste de l'AFP.

Barthes, l'homme qui en savait trop

Si Roland Barthes a été assassiné, c'est qu'il était en possession d'un document explosif, l'ultime découverte du linguiste russo-américain Roman Jakobson : la fameuse septième fonction du langage. Cette mythique septième fonction (Jakobson en a défini réellement six) permettrait "de convaincre n'importe qui de faire n'importe quoi n'importe quand".

On comprend ainsi que la "septième théorie" soit convoitée par toute la classe politique - le roman se situe pendant la campagne de l'élection présidentielle de 1981 - et des puissances étrangères. Eu comme dans un thriller, il y a des courses-poursuites, des agents du KGB, de mystérieux Japonais.

Laurent Binet, 43 ans, agrégé de lettres et ancien prof de ZEP, met en scène, et pas toujours à leur avantage, tout le gratin de la "French Theory". On croise Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Hélène Cixous, Julia Kristeva, Bernard-Henri Levy - en chemise noire - ou encore Philippe Sollers.

L'intelligentsia en prend pour son grade

Le romancier s'amuse à désacraliser une intelligentsia parfois trop éprise d'elle-même. Des mains sont coupées, des organes plus intimes amputés. On s'égare dans des "backrooms" quand on ne participe pas à des orgies. Certaines personnes citées, parmi lesquelles Hélène Cixous, ont pris avec humour l'irrévérence de Binet à leur égard. D'autres, comme Julia Kristeva et Philippe Sollers, ont moins apprécié l'ironie.

Au-delà du côté "burlesque" que Binet revendique, l'auteur de "HHhH", prix Goncourt du premier roman il y a cinq ans, délivre aussi, de façon subtile, une réflexion pas du tout anodine sur "le pouvoir du langage". "Tout mon livre est là-dessus."

Ce n'est pas pour rien que l'un des principaux personnages du roman est Umberto Eco et "La septième fonction du langage" peut également se lire comme un hommage à "Au nom de la rose".

De nombreux clins d'œil

"J'ai joué sur les deux tableaux. Je voulais que le livre soit un roman populaire, un roman pop, mais aussi un livre savant", résume Binet. Les clins d'oeil sont innombrables. Ainsi une scène de sexe à Bologne est racontée "à la façon" de Deleuze, une autre scène dans un cimetière fait penser au "Chien des Baskerville", une heure (19H42) et le début d'un paragraphe font penser à son propre roman "HHhH".

Le prix du roman Fnac est décerné par un jury de 800 lecteurs, adhérents et libraires de la Fnac. L'an dernier, le prix avait récompensé l'écrivain britannique Benjamin Wood pour son livre "Le complexe d'Eden Bellwether" (Zulma).

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