Le manuscrit de "La Disparition" de Georges Perec, avec quelques "e" étourdis, est en vente à Paris
Le célèbre roman de 1969 de Georges Perec, La Disparition, était une figure de style, un lipogramme, qui ne comportait pas une seule fois la lettre "e", pourtant la plus courante de la langue française. A sa sortie, il n'avait donné aucune indication de son procédé d'écriture, laissant aux lecteurs deviner par eux-mêmes ce qui avait disparu.
Le manuscrit du texte est exposé et à vendre à Paris à partir de jeudi 21 novembre 2024, avec une curiosité : quelques lettres "e" qui subsistent par erreur.
Le manuscrit offert à une femme dont Perec était épris
Perec écrivit ce lipogramme de plus de 300 pages entre décembre 1967 et septembre 1968, à Andé, sur les bords de Seine, près de Rouen. Il était hébergé au Moulin d'Andé, transformé en résidence d'artistes, par une amie, Suzanne Lipinska, dont il était très amoureux. C'est à elle qu'il offrit en 1970 ce manuscrit, dans un coffret précieux. Et la famille Lipinska s'en sépare à présent.
"Il y a plusieurs années que Suzanne Lipinska m'a déposé ce manuscrit. Elle voulait le vendre pour doter le Moulin d'Andé. Elle est morte il y a deux ans, et sa fille m'a recontacté pour me dire qu'elle mènerait à bien la vente", explique le libraire parisien chargé de la vente, Benoît Forgeot. "C'est le seul manuscrit existant dans sa continuité. Des brouillons ont été donnés à la BnF, qui sont à la Bibliothèque de l'Arsenal, mais ce n'est qu'une partie du texte" ajoute-t-il.
Le manuscrit fait partie d'un ensemble visible à FAB Paris (ancienne Biennale des antiquaires), inaugurée au Grand Palais mercredi 20 novembre.
"Plus d'un millier de variantes" par rapport à la version publiée
Sur les 161 pages, il reste une poignée de "e", entourés en rouge, et supprimés lorsque Perec tapera le texte à la machine. L'examen de ce manuscrit révèle "plus d'un millier de variantes" par rapport à la version publiée aux éditions Denoël, détaille le catalogue. L'ensemble contient aussi des textes rédigés sans "e" par des amis de Perec, comme Raymond Queneau ou Monique Wittig. Et des lettres, dont certaines ornées de dessins, qu'adresse l'écrivain à Suzanne, dite Suzon.
Cette correspondance, jamais éditée, mériterait de l'être selon le libraire, tant le désespoir de Perec, qui n'était pas aimé en retour, s'y expose avec sincérité. "Tu m'as arraché à l'indifférence, mais tu m'as rendu à l'inquiétude", écrit-il entre autres.
Le prix est maintenu confidentiel. Benoît Forgeot est le libraire qui avait exposé, à FAB Paris 2023, un des trois tapuscrits du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, racheté par une librairie londonienne, Peter Harrington, laquelle l'a remis en vente.
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