"Les conditions idéales", le bouleversant premier roman de Mokhtar Amoudi

Sélectionné pour le prix Goncourt et le Renaudot, le premier roman de Mokhtar Amoudi, "Les conditions idéales", est une immersion dans l’enfance et l’adolescence d’un garçon qui veut s’extraire de son milieu. Attachant.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'écrivain Mokhtar Amoudi à Paris, le 23 mars 2023. (Francesca Mantovani ©Gallimard)

Il y a de tout dans ce premier roman de Mokhtar Amoudi, Les conditions idéales (éditions Gallimard) : une écriture ciselée, un humour fin, une sincérité désarmante, des références subtiles et un espoir à portée de main. De la sincérité d’abord. Il est difficile d’écrire un livre sur la banlieue sans tomber sur des clichés éculés, usés jusqu’au profond ennui comme le frère dealer devenu islamiste, la jeune fille studieuse qui veut s’émanciper et les parents analphabètes taiseux, dépassés et attendant la mort pour aller se reposer au bled. Des clichés et des stéréotypes, à pleines pages, à saturation d’écrans. Puis une voix surgit, parce que sincère et bienveillante, et le livre devient objet littéraire. Mokhtar Amoudi nous emmène sur les pas de Skander, un garçon comme les autres, vers cet étrange pays frontalier de Paris, le Neuf-Trois (93).

Le fabuleux voyage de Skander

Skander n’a pas eu la vie facile. Trimballé de famille d’accueil en famille d’accueil, le jeune élève trouve refuge dans le dictionnaire. "Dans le Larousse, on trouvait le monde entier expliqué. Il y avait ces locutions latines au sens caché mais toujours défini". Abandonné par ses parents, Skander est un excellent élève, qui souffre en silence. "Je m’étais persuadé ; j’étais mauvais et inutile à tous puisqu’en temps de paix on n’abandonne pas son enfant. On m’avait maudit à la naissance ". Avec une plume alerte, pleine d’empathie, Mokhtar Amoui nous fait vivre le parcours chaotique, à la lisière d’une violence systémique, d’un enfant qui n’aspire qu’à réussir ses études et qui se retrouve confronté à une société inégalitaire.

Neuf-Trois ou l'histoire d'un transfuge

Comment s’affranchir du déterminisme social ? Le Neuf-Trois, donc. Skander y atterrit, comme par accident, sans y être préparé. Il se retrouve chez Madame Khadidja. Le choc est terrible. Il passe d’une famille d’accueil stable à un quartier difficile, euphémisme pour dire ghetto. Adieu, les bonnes notes. "On comparait mon apogée scolaire à la Renaissance ; un bon souvenir qui ne reviendrait jamais". Les conditions idéales, un roman autobiographique ? Mystère pour le lecteur qui s’attache à Skander dans son parcours de transfuge. Avec son sens de la formule, Mokhtar Amoudi donne vie à une pléiade de personnages, aussi attachants les uns que les autres, la palme revenant à Madame Khadidja, une femme exceptionnelle et résiliente. Mokhtar Amoudi évoque toutes ces vies fracassées avec beaucoup de pudeur.

Les conditions idéales, un premier roman aussi puissant qu’attachant. Mokhtar Amoudi, naissance d’une plume subtile.  

 (Les conditions idéales, Mokhtar Amoudi, éditions Gallimard, 21 euros)

Couverture du livre "Les conditions idéales" de Mokhtar Amoudi. (Gallimard)

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