"Les doigts coupés" de Hannelore Cayre : la préhistoire c’est maintenant !
D’abord, le titre : pourquoi Les doigts coupés ? Il était une fois, peut-être pas, il y a 35 000 ans, une tribu qui coupait les doigts des filles et des femmes pour leur apprendre à bien se tenir, à rester à leur place. Qui décide de la norme et mutile ? Le chef, évidemment, l’Oncle-aîné. Un homme, toujours, bien sûr. Oli, jeune rebelle animée d’une volonté de fer, entend bouleverser l’ordre établi. Elle sera chasseuse, même si elle doit abattre ce qui ne s’appelait pas encore le patriarcat. Retour au présent : en creusant pour faire une piscine en Dordogne, un entrepreneur découvre une grotte aux parois couvertes d'empreintes de mains de femmes, beaucoup amputées de deux ou trois doigts, et deux squelettes dont la position laisse penser à une scène de crime. Adrienne Célarier, paléontologue, se lance dans l’enquête et entend récolter, pour elle seule, les lauriers.
A la chasse !
Grâce à une double narration, Hannelore Cayre, l’autrice de La daronne, (éditions Métailié), nous entraîne dans une folle et désopilante aventure pour la liberté. Elle déconstruit avec jubilation les stéréotypes et décrit avec un humour noir mais jamais grinçant le quotidien d’une tribu isolée, qui tente de survivre à la rigueur hivernale. La division du travail est simple : les hommes partent à la chasse et les femmes s’occupent du foyer. Les hommes doivent manger plus et mieux car leur travail exige plus d’efforts. A eux, les meilleurs morceaux de viande. Aux femmes, le reste. Et c’est ainsi que cela doit rester, sinon le monde s’écroulerait.
L’univers du groupe vacille quand Oli décide de passer outre les interdits. La jeune femme se révolte et témoigne. Elle va à la rencontre de l’Autre et découvre d’autres us et coutumes. Elle revendique, du bout de sa lance, son droit d’exister et d’être heureuse. Avec une écriture cinématographique et des réparties qui font tilt à chaque fois, Hannelore Cayre choisit une nouvelle fois un personnage féminin puissant et déterminé, rebelle et attachant pour explorer des thématiques actuelles. Les doigts coupés (éditions Métailié) se lit d’une seule traite, avec un sourire empathique de la première à la dernière page. Les doigts coupés, chronique d’une révolte annoncée.
(Les doigts coupés, Hannelore Cayre, éditions Métailié, 18 euros)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.