"Les Ephémères" : l’amitié sous Margaret Thatcher, le roman lumineux d’Andrew O’Hagan

L’écrivain écossais dresse le portrait d’une jeunesse qui entend se battre contre l’ultralibéralisme et donne à voir l’effervescence musicale qui régnait à Manchester. Andrew O’Hagan revient aussi sur une amitié défiée par la mort.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Portrait d'Andrew O'Hagan, auteur du livre "Les Ephémères". (Jons Tonks)

Des passagers le temps d’une vie, d’un partage, d’un fou rire, d’une amitié intemporelle et inconditionnelle. Les Ephémères (éditions Métailié) est une ode à l’amitié, un roman lumineux parsemé de musique. Andrew O’Hagan signe un livre à tiroirs. Portée par un style nerveux, la narration est d’une redoutable efficacité.  L’écrivain écossais ancre son histoire dans deux temporalités : été 1986, automne 2017.  Dans la première partie, un groupe d’amis issus de la classe ouvrière survit grâce à la musique (punk rock, new wave), mais aussi avec le cinéma, l’alcool et la drogue. Des adolescents en quête de sensations fortes.

Il y a Tully, un être d’air et de lumière, Noodles le narrateur, Limbo l’idéaliste, Tibbs apprenti facteur qui se situait quelque part à gauche de Joseph Staline, et David Hogg l’ambitieux. "Nous l’imaginions quelque part sur une colline, nous regardant de haut avec son savoir et sa Capri achetée à crédit, mais nous avons tous le sentiment que c’était lui qui y perdrait". 1986 ou le temps du thatchérisme triomphant. Les mineurs en grève sont vaincus et retournent, défaits, à leur travail. Et leurs enfants assistent impuissants à la dislocation de la société. "On dit qu’on ne sait rien à dix-huit ans. Mais il y a des choses qu’on sait à dix-huit ans et qu’on ne saura plus jamais". Pour le groupe d’ados, un voyage à Manchester pour un festival de musique sera l’opportunité de vivre une expérience unique. Andrew O’Hagan peint le portrait d’une jeunesse en lutte contre l’ultralibéralisme et donne à voir l’effervescence musicale qui régnait à Manchester.

Eté, automne

Andrew O’Hagan a le sens de la formule. "On aime bien se mettre en colère mais on a la flemme de se battre". Truffé de références musicales et cinématographiques, pour certaines confidentielles, le récit peut désorienter par moments. Tout le monde ne connaît pas The Smiths, The Fall ou encore New Order. Trente ans plus tard, les adolescents ont vieilli. Ils ont pris de l’âge et des responsabilités. Tully est allé à l’université, l’ancien provocateur n’a rien renié de ses combats, de ses engagements. 

 La seconde partie porte judicieusement le nom de la saison des feuilles mortes. Tully est à l’automne de sa vie. "Mourir est ennuyeux. Si je ne meurs pas bientôt, je risque de mourir d’ennui. Tu n’imagines pas à quel point je me bats pour passer la journée avec toutes ces conneries. C’est tellement lent. En règle générale, je prends de l’huile de cannabis et j’apprends à détester les chiens de la rue, qui aboient tout le temps".

Les Ephémères commence comme un film social survolté de Ken Loach pour finir comme une œuvre introspective et profonde de Mike Leigh. "Les amis qu’on a quand on est jeune peuvent s’avérer être les meilleurs qu’on ait jamais eus". Les Ephémères, une amitié éternelle.

 

(Les Ephémères, Andrew O’Hagan, traduit par Céline Schwaller, Editions Métailié, 21,50 euros)

Couverture du livre "Les Ephémères" d'Andrew O'Hagan. (Editions Métailié)

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