"L’historiographe du royaume" : Maël Renouard, finaliste du Goncourt, nous fait vivre la Cour d’Hassan II
Troisième roman de Maël Renouard, "L’historiographe du royaume" a été placé par les jurés du prix Goncourt dans leur liste finale. Le lauréat sera dévoilé le 30 novembre prochain.
L’histoire : Abderrahmane Eljarib est né la même année qu’Hassan II. Fils d’instituteur, méritant, il est choisi pour étudier au Collège Royal de Rabat avec le futur roi. Mais ces années de proximité ne lui seront d’aucun secours une fois le souverain parvenu au pouvoir. Un livre qui retrace dans une langue précieuse, rendant hommage aux Mémoires de Saint-Simon, les années 1960 à la cour du roi du Maroc, entre obséquiosités et félonies. L’historiographe du royaume, de Maël Renouard, est paru aux éditions Grasset en septembre dernier.
Un souverain érudit
Nous sommes à la fin du protectorat, en 1956. Le narrateur, qui est un ancien condisciple du prince, devient conseiller au cabinet du ministre de l'Education nationale. C'est le point de départ d'un récit au coeur du pouvoir marocain, sur les luttes de pouvoir et les rapports de force de la monarchie chérifienne. Au début de l'année 1961, le roi meurt. Dans les couloirs du palais, il se murmure que sa mort aurait été "accélérée". Moulay Hassan devient alors Hassan II.
Le jeune Abderrahmane, qui en est proche, raconte : "Le roi aimait à citer des auteurs français, et singulièrement Pascal, pour qui il avait une telle prédilection qu'il lui attribuait souvent des sentences dont il n'était pas l'auteur. Le peuple ne s'arrêtait pas à ces imprécisions, il était fier d'avoir un souverain érudit, capable d'en remontrer aux Français ; les lettrés les percevaient, mais pour rien au monde ils n'auraient osé en rire."
Grâce et disgrâce
La disgrâce intervient aussitôt le roi sur le trône. Son ancien condisciple se fait écarter sans raison, et se retrouve muté dans une contrée du sud-marocain, à la frontière de "ce monde mystérieux des sables qui vivait aux confins des empires, et hors de leur portée." Il ne saura jamais le motif de sa disgrâce, pas plus que celui de son retour en grâce, sept ans plus tard, lorsqu'il sera rappelé à la cour, et nommé historiographe du royaume. Il écrira donc l'histoire du Maroc, et sera chargé des commémorations. L'occasion pour l'auteur de montrer l'étendue de sa culture et de sa maîtrise linguistique d'ancien normalien, comme les personnages que l'on croise dans son roman, et de s'interroger sur ces lettrés qui ont toujours gravité dans l'entourage des puissants, décrits d'une écriture ampoulée qu'on croirait sortie des siècles passés.
On suivra ainsi les célébrations du Shah d'Iran auxquelles il se sera rendu pour prendre exemple. On suivra aussi le récit des putchs avortés contre Hassan II, dont l'un où son ancien condisciple se fait passer pour lui, le monarque, afin de se sacrifier face à d'éventuels putchistes. On croisera le général Oufkir et Ben Barka, l'opposant dont on sait à présent qu'il fût exécuté par le pouvoir. Mais de ces événements, on ne retiendra que la personnalité effacée du narrateur, dans la crainte perpétuelle de déplaire au roi, comme si son érudition et sa vie ne devait qu'être écrite, et non vraiment vécue.
L’historiographe du royaume, de Maël Renouard, paru aux éditions Grasset le 2 septembre 2020, 330 pages, 22€
Extrait : “Le moment de nous quitter approchait. J’avais quelque remords, cependant, de ne lui avoir rien dit de ma mission, laquelle était cause des demandes que je lui avais adressées et qu’il avait si bien satisfaites. Mon dessein de garder le secret me parut extrême, car c’était un homme dont je n’avais jamais eu lieu de mettre en doute la confiance qu’il m’inspirait. Je résolus de lui révéler en partie la nature de mes recherches avant mon départ.”
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