"Moi, le glorieux", le roman de la démesure et du chaos de Mathieu Belezi

Mathieu Belezi dresse un réquisitoire implacable contre la colonisation dans un livre porté par un souffle phénoménal. "Moi, le glorieux", une œuvre littéraire grandiose.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2 min
Mathieu Belezi, auteur de "Moi, le glorieux" aux Éditions Le Tripode. (EDOARDO DELILLE)

"Je peux vous le dire, ils ne m'auront pas". L'homme qui répète cette phrase comme un mantra est âgé de 145 ans et pèse 140 kg. Albert Vandel, tout en démesure et excès gargantuesques, est le parfait monstre qui vit des peurs qu'il inspire. Rien ne l'arrête, la loi coloniale étant de son côté. À la veille de l'indépendance de l'Algérie, l'homme qui a atteint les sommets de la richesse en spoliant la population locale refuse l'inéluctable. "Je peux vous le dire, ils ne m'auront pas", une promesse et un aveu d'échec d'un salaud fascinant, "dressé comme un pachyderme en rut".

C'est aussi le chant crépusculaire d'un extrémiste aveuglé par sa puissance qui n'a pas vu venir la colère qui allait l'emporter, d'un ploutocrate plongé dans le déni. Parce que Mathieu Belezi fait de son personnage un être abject, amoral, raciste, qui concentre en lui toutes les tares du colonialisme. Il en devient même l'allégorie. Son ascension sociale et économique est parsemée de massacres. Pour l'auteur d'Attaquer la Terre et le Soleil, Albert Vandel est le visage de l'Algérie française.

Réquisitoire contre la colonisation

Dans Moi, le glorieux (Le Tripode), Mathieu Belezi explore les différentes aliénations et violences liées au colonialisme. Entre farce morbide et tragédie grecque, le roman est porté par un souffle phénoménal qui, à aucun moment, ne retombe. L'œuvre est puissante, d'une musicalité wagnérienne qui accompagne la chute de Néron, alias Bobby la Baraka, annonciatrice d'une apocalypse imminente. Le rythme particulier, l'absence de point final dans la ponctuation, contribue à transporter le lecteur dans un voyage ininterrompu dans l'horreur, la violence et le tragicomique.

Alors que la guerre d'Algérie touche à sa fin, que la révolte fait rage, que les combats se rapprochent de son domicile, Albert Vandel, le plus riche et le plus puissant des colons, enfermé dans sa mégalomanie, imagine un autre scénario, une autre issue. Entouré d'ultras et de sa jeune maîtresse, il ressasse son "glorieux" passé et organise une résistance illusoire. "Je peux vous le dire, ils ne m'auront pas, ils peuvent pointer leurs pétoires sur ma villa, me menacer des pires horreurs, ils ne m'auront pas ", commence par confier Albert Vandel.

Mathieu Belezi travaille depuis une vingtaine d'années sur l'Algérie coloniale. Dans ses quatre romans liés à la présence française en Algérie, il donne la parole à des colons partis d'Europe s'installer en Algérie. Et, plus largement, à tous les Européens qui ont conquis d'autres contrées. Moi, le glorieux, un réquisitoire implacable sur le colonialisme, une œuvre littéraire monumentale. Grandiose.

"Moi, le glorieux" de Mathieu Belezi, Le Tripode, 329 pages, 21 euros

Couverture du livre "Moi, le glorieux" de Mathieu Belezi. (LE TRIPODE)

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