"Monozande" : Kamel Khélif peint et narre l’indicible

Le plasticien marseillais revient dans une œuvre originale sur l’histoire douloureuse de N’Diho Monozande qui a survécu au massacre de sa famille au Congo en 2008. Un récit graphique en forme de travail mémoriel d’une rare puissance.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2min
Extrait du livre "Monozande" de Kamel Khélif. (Editions Le Tripode)

L’ouvrage est court, une quarantaine de pages, mais il continue de vivre en nous longtemps après l’avoir refermé. Annoncée pour le 5 septembre, l’œuvre de Kamel Khélif, Monozande (éditions Le Tripode), est bouleversante d’empathie et de profondeur. Les noirs profonds et les nuances de gris du peintre d’origine algérienne créent un émoi puissant et amplifient l’histoire de N’Diho Monozande, un Congolais qui a vu, en 2008, son épouse et leurs huit enfants assassinés par un groupe armé. Laissé pour mort après un coup de machette, N’Diho Monozande survit au massacre et témoigne.

Extraits du livre "Monozande" de Kamel Khélif. (Editions Le Tripode)

Comment dire l’indicible ? Tout a commencé par l’irruption d’un groupe armé. "Quand les hommes armés sont venus au village, ils ont commencé à tirer et à couper comme des fous tout ce qui se trouvait devant eux : les pierres, les villageois, les arbres, les chairs, tout. Tout le monde s’est mis à courir." Monozande affronte la mort, puis survit dans des conditions éprouvantes. "Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi, recroquevillé comme un rat blessé dans ce fossé. Les mouches et les insectes dansaient sur mon dos pourri comme sur du fumier."

Les oiseaux ne chantent pas pour lui

Kamel Khélif a su trouver les mots justes pour son travail artistique et mémoriel, un travail indispensable pour conjurer l’oubli et l’indifférence. Des mots et des images pour dire la souffrance de N’Diho Monozande. Ce projet est né en 2014. Le photographe Jim Goldberg propose alors une carte blanche à Kamel Khélif dans le cadre de l’exposition Conflict, Time, Photography (lien en anglais) à la Tate Modern de Londres. L’artiste aux multiples facettes décide alors de narrer la douloureuse histoire de N’Diho Monozande.

Croquis extraits du livre "Monozande" de Kamel Khélif. (Editions Le Tripode)

Comment survivre à la mort des siens ? N’Diho Monozande rêve parfois d’une autre vie, loin de son village hanté par les souvenirs. Un ailleurs anonyme dans le Nord, dans les grandes villes d’Europe, d’Amérique ou d’Australie. "Et si quelqu’un au coin d’une rue ou sur une place pouvait lire dans mes yeux, il serait stupéfait de connaître mon histoire." Porté par une écriture poétique sans fioritures et des tableaux  singuliers où dessin et peinture se confondent, Monozande est un cri de désespoir et de résilience.

(Monozande, Kamel Khélif, éditions Le Tripode, 13,90 euros)

Couverture du livre "Monozande" de Kamel Khélif. (Editions Le Tripode)

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