Mort de l'écrivain Roger Grenier, l'auteur de "Ciné-roman"
Homme discret et malicieux, peu connu du grand public mais pas de la profession, Roger Grenier, auteur d'une cinquantaine de livres, était aussi depuis un demi-siècle conseiller littéraire chez Gallimard, où il avait encore un bureau, a-t-on indiqué chez l'éditeur.
Il a reçu le grand prix de la Société des gens de lettres (1971) et le grand prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre (1985). Parmi ses nombreux romans figurent deux best sellers, "Le palais d'hiver" (1965) et "Ciné-roman" (prix Femina 1972), ainsi que des essais littéraires, notamment sur Tchekhov, à qui il empruntait la mélancolie et la dérision qui imprégnaient ses livres. Il s'était aussi illustré dans le registre de la nouvelle, signant plusieurs recueils remarqués.
Ses essais ont souvent été inspirés par l'amitié de personnalités comme Claude Roy, Pascal Pia ou Albert Camus. Le titre d'un de ses livres résumait sa longue et riche vie: "Fidèle au poste" (2001).
Né le 19 septembre 1919 à Caen, dans le Calvados, Roger Grenier passe son enfance à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, qui sera présente dans plusieurs de ses ouvrages. Démobilisé à la fin 1942 après avoir passé trois ans sous les drapeaux, il suit des études de lettres à la Sorbonne, étudie la philosophie avec Gaston Bachelard, gagnant sa vie comme surveillant dans différents écoles et collèges. Il participe à la libération de Paris en août 1944, un épisode qui inspirera "Paris ma grand'ville".
Journaliste, écrivain, "chasseur de talents"
Il rencontre Albert Camus et devient journaliste, couvrant les procès de l'épuration. Il travaille d'abord pour "Combat" (1944-1947) - "Ici, disait-il, tout le monde écrivait. Une vraie succursale de la NRF ! Alors moi aussi..." - puis à France-Soir (1948-1963) et, parallèlement, à la Radiodiffusion-Télévision. On retrouve ses expériences de l'époque dans des livres comme "Rôle d'accusé" (essai, 1949) ou "La salle de rédaction" (nouvelles, 1977).Après plusieurs fictions, comme "Les monstres" (1953) ou "Le silence" (nouvelles, 1961), il devient lui-même "chasseur de talents", en l'occurrence conseiller chez Gallimard et membre du comité de lecture, à partir de 1964. Il sera l'éditeur de Sylvie Germain et Daniel Pennac.
Roger Grenier poursuit une œuvre personnelle féconde: "Une maison place des fêtes" (1972), "Le miroir des eaux" (1975), "La Follia" (1980), "Il te faudra quitter Florence" (1985), "Le Veilleur" (2000)...
Lauréat aussi du prix Novembre pour "Regardez la neige qui tombe. Impressions de Tchekhov" (1992), salué par la critique, Roger Grenier a signé ensuite, avec "Trois heures du matin" (1995), un texte sur Francis Scott Fitzgerald.
Son dernier ouvrage date de 2015
En 2005, il a publié "Andrélie", autoportrait et portait de sa mère. Les années qui passaient ne l'empêchaient pas de publier avec régularité, comme la suite de ses Mémoires en 2014 ("Instantanés II"). Il avait publié son dernier ouvrage en 2015, "Paris ma grand'ville", un livre de souvenirs.Vrai germanopratin, Roger Grenier habitait à quelques dizaines de mètres de chez Gallimard où il occupait un minuscule bureau, empli, évidemment, de piles de livres.
"À quelques années de son propre centenaire, écrivait en 2013 sur son blog le critique et auteur Pierre Assouline, il continue à se rendre tous les jours à son bureau pour lire des manuscrits, rédiger des notes de lecture, répondre aux auteurs, les recevoir. À voir ce régent du Collège de Pataphysique traverser le boulevard (ndr : Saint-Germain), petit bonhomme échappé d'un dessin de Sempé, légèrement voûté, tête nue malgré le froid, un imperméable par-dessus son discret costume-cravate, on n'imagine pas tout ce qu'il a vécu, tout ce qu'il a connu, tout ce qu'il a lu."
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