Mort de Toni Morrison : cinq romans incontournables de la première femme noire Nobel de littérature
En presque cinq décennies, Toni Morrison a écrit onze romans.
Première femme noire à obtenir le prix Nobel de littérature, la grande romancière Toni Morrison est morte à 88 ans, lundi 5 août. Abordant avec réalisme et modernité les problématiques de l'identité afro-américaine aux États-Unis, Toni Morrison a écrit 11 romans depuis 1970. Franceinfo vous propose de revenir sur cinq d'entre eux.
L'Oeil le plus bleu (1970)
Dès son premier roman, Toni Morrison distille le sel de son style et de ses thématiques : des tragédies familiales avec pour toile de fond l'Amérique raciste. L'Oeil le plus bleu raconte le destin, dans l'Ohio de 1941, d'une jeune fille noire appelée Pecola, évoluant près d'un père incestueux et alcoolique. Dans un espoir d'acceptation, et ayant grandi avec la représentation de la beauté féminine comme celle d'une femme blanche aux yeux bleus, Pecola espère voir ses yeux changer de couleur pour le bleu. Le même que son idole Shirley Temple.
En constante recherche de stabilité, Pecola termine le roman détruite par deux viols de son père, dont l'un débouche sur une grossesse et la mort du bébé prématuré. Très moderne dans son approche, Toni Morrison aborde avec force l'identité noire, avec comme thématique majeure le racisme intériorisé. L'écrivaine se permet également de donner une perspective sur l'Amérique post-Grande Dépression d'un point de vue autre que celui des Blancs.
Le Chant de Salomon (1977)
Le Chant de Salomon est le troisième roman de Toni Morrison, et celui qui lui a permis d'atteindre une large notoriété aux États-Unis. Il raconte l'histoire de Macon "Milkman" Dead, né juste après qu'un homme soit mort en tentant de voler. Le livre est un parcours initiatique, évoluant dans le Michigan entre 1930 et le début des années 1960. A la recherche de ses origines, Milkman Dead cherche lui aussi à prendre son envol.
Le Chant de Salomon explore les thématiques des relations humaines, de l'historique familiale et de l'identité afro-américaine, à travers une galerie de portraits à laquelle fait face Milkman Dead.
Beloved (1987)
Certainement le roman le plus célèbre de Toni Morrison, Beloved est peut-être aussi son plus cérébral et tragique. Le roman raconte la dérive de Sethe, une ancienne esclave échappée d'une plantation, hantée par ses actes passés. Et plus particulièrement l'égorgement de sa fille Beloved encore bébé, pour lui éviter de vivre dans les chaînes de l'esclavage. L'arrivée dans le récit d'une jeune femme, nommée elle-aussi Beloved, sème la confusion dans l'esprit de Sethe.
Roman coup de poing, Beloved aborde avec férocité la pression psychologique du système esclavagiste sur ses victimes, et ses conséquences sur un destin familial. Le livre évoque également la passion, c'est-à-dire la souffrance, qui mène l'humain à accomplir les pires atrocités au sacro-saint nom de l'amour. Le roman a permis à Torni Morrison de remporter le prix Pulitzer. Portée par Oprah Winfrey et réalisée par Jonathan Demme, son adaptation au cinéma est sortie en 1998.
Jazz (1992)
Loin de l'esclavage mais toujours autant ancré dans la dure réalité des Afro-américains, Jazz prend racine à New York, quartier de Harlem, dans les années 1920. Dans un nouvel exemple de passion destructrice, Toni Morrison peint le portrait d'un triangle amoureux composé de Joe, sa femme Violet et sa maîtresse Dorcas, qu'il tue.
Tel le style musical dont son titre s'inspire, Jazz est un roman libre, où chaque personnage tient sa place et développe sa propre facette de l'histoire et où l'ensemble compose une grande tragédie moderne. Un portrait à l'acide d'une situation inextricable, de ses causes et de ses conséquences, autant qu'une autopsie de la masculinité.
Home (2012)
Une décennie après son Nobel de littérature, Toni Morrison sort son avant-dernier roman, nouveau parcours initiatique d'un homme noir détruit et en quête de sens. Cette fois, la destruction est arrivée par la guerre, celle de Corée, dont le personnage Frank Money revient tout juste. Mais de retour au pays ("home", "à la maison" en anglais), Frank retrouve la société ségrégationniste qu'il connaissait, et tente de s'en échapper en retournant au plus près de ses origines.
Auréolé d'un important succès de librairie en France, Home interroge le monde et ceux qui le font. Avec une symbolique très forte, le roman se demande comment donner du sens à un monde qui rejette ceux des siens qui ont vécu le pire.
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