"Patagonie route 203" : avec son premier roman, l'Argentin Eduardo Fernando Varela nous embarque dans un incroyable voyage
Un premier roman comme un conte onirique dans les terres sauvages de Patagonie.
Patagonie route 203 est le premier roman de l'Argentin Eduardo Fernando Varela. Avec ce premier livre, que ce scénariste de télévision et de cinéma publie à l'âge de 60 ans, l'écrivain embarque le lecteur dans un road-trip à travers la Patagonie dans l'immensité de ses paysages et l'extravagance de ceux qui l'habitent. Le livre est paru aux éditions Métailié le 20 août 2020 dans la rentrée littéraire de l'automne. Il a reçu le Prix Casa de las Americas 2019.
L'histoire : Parker parcourt au volant de son camion les petites routes secondaires de Patagonie. On ne sait pas grand-chose de lui, si ce n'est qu'il évite les gendarmes et qu'il a autrefois été musicien. Parker traverse l'immensité des paysages de cette région, croisant d'autres chauffeurs, qu'il préfère côtoyer de loin. "Saline du désespoir", "La pourrie", "Mule morte"… Les patelins qu'il traverse ont des noms improbables et sont peuplés de personnages étranges, qui répondent à côté de questions, quand ils répondent.
Parker s'arrête de temps en temps pour se reposer, sort son saxo pour jouer quelques notes sous les étoiles, dans un drôle de campement : "Au moyen d'un palan giratoire terminé par une poulie fixée au véhicule, Parker déchargeait lentement ce qui un jour avait été sa maison." Il arrive aussi que Parker ait rendez-vous en plein désert avec un journaliste obsédé par une histoire de sous-marins nazis, roulant au volant d'une vieille guimbarde sans freins.
La vie de Parker ne semble animée par aucun but, filant au rythme des livraisons plus ou moins occultes organisées par son patron, ou au gré de la météo, rude dans ces contrées. Parker mène cette vie de solitude et de contemplation jusqu'au jour où non loin du train fantôme, il tombe sous le charme de Maytén, la femme du patron de la fête foraine…
Des airs de jazz
"L'auteur de ce premier roman, Eduardo Fernando Varela, est un Argentin de 60 ans qui partage sa vie entre Buenos Aires où il écrit des scénarios, et Venise, où il tient un commerce de cartes anciennes" confiait en juin dernier son éditrice Anne-Marie Métailié lors d'un webinair consacré à la rentrée littéraire par le magazine Livres Hebdo.
Un premier roman planant, qui oscille entre road-movie et conte onirique. Les personnages, qui peuplent cet espace hors du temps, sont déconnectés du monde tel qu'on le connaît. "On découvre un monde inouï, où nos critères n'ont plus aucune valeur, en compagnie d'une humanité qui voyage", soulignait l'éditrice.
Explorant l'âme humaine autant que les paysages, ce "jeune romancier" nous transporte dans un univers saisissant, dont la rudesse oblige ses habitants à écouter la poésie du monde, et à s'interroger sur l'essentiel et ce à quoi ils aspirent vraiment. Patagonie route 203 est aussi une histoire d'amour singulière, dont l'issue est laissée à l'imagination du lecteur. L'écriture d'Eduardo Fernando Varela est à l'image de ce récit : fluide, pleine d'images qui nous emmènent loin, bien loin, dans une rythmique sans mesure, sans repères, comme les notes échappées d'une improvisation de jazz.
Patagonie route 203, d'Eduardo Fernando Varela, traduit de l'espagnol (Argentine) par François Gaudry
(Editions Métailier - 368 pages – 22.50 €)
Extrait : "Quand cette sensation de vide l'enveloppait, il avait l'impression que les roues décollaient doucement de l'asphalte, et qu'il s'élevait au-dessus des reliefs ocrés du désert patagonien. L'air devenait plus dense, le poids se dissolvait dans l'atmosphère et la route n'était plus qu'une ligne incertaine qui se perdait au loin. A mesure que Parker s'élevait et que le ciel prenait un bleu plus vif, les cours d'eau asséchés apparaissaient telles des cicatrices sur la surface rugueuse de la terre. Les détails se perdaient, le passé s'assombrissait, le futur devenait un halo transparent, il ne restait d'un présent gazeux, plein de mystères, peuplée de suggestions, une douce léthargie permettant à son esprit de vaguer sans limites dans l'espace et le temps. Il pouvait voyager ainsi des heures durant, dans cet état erratique, de jour ou de nuit, il n'avait plus d'horaire, juste des rendez-vous qui dépendaient de l'imprévisible départ ou arrivée des navires dont il transportait la cargaison. C'étaient parfois de longues journées mortes avant d'atteindre la destination, d'autres où il devait rouler en ne s'arrêtant que pour faire le plein de carburant ou prendre une douche dans les toilettes de quelque station-service perdue. Lorsque le coucher de soleil indiquait la fin de la journée, Parker préparait l'atterrissage de son vaisseau au bord de la route, il ralentissait et cherchait l'endroit idéal pour installer son campement, sur un terrain plat sans creux ni bosses." (Patagonie route 203, page 15)
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