"Péché mortel" : une enquête au cœur du fascisme italien signée Carlo Lucarelli
LA question : que feriez-vous en temps de guerre ? Obéir à la hiérarchie, quelle que soit sa nature, ou la défier? La légalité ou la légitimité ? La collaboration ou la résistance ? Avec Péché mortel (éditions Métailié), Carlo Lucarelli, célèbre écrivain en Italie, nous plonge dans l’Italie fasciste, plus précisément à Bologne entre le 25 juillet et 8 septembre 1943. La situation politique est explosive et pleine de rebondissements. Mussolini est arrêté et détenu pendant quelques mois, le gouvernement, en fuite, se réfugie dans les Pouilles, les nazis occupent le pays, les communistes sortent dans la rue… Et dans ces soubresauts de l’Histoire, le jeune inspecteur De Luca, cherche à identifier un corps sans tête et une tête sans corps. Il est indifférent aux bombes des Alliés qui tombent sur sa ville, aux changements politiques, obsédé qu’il est à résoudre son enquête.
Nazis, fascistes et cocaïne
En demeurant au service de police, De Luca est-il fasciste ? A l’image de son alter égo allemand Bernhard dit "Bernie" Gunther de l'écrivain écossais Philip Kerr, De Luca se moque de la politique et pense servir l’Etat et non les autorités qui ne feraient que passer. Une fuite aisée, facile pour ne pas s’impliquer ? De Luca, personnage récurent de Carlo Lucarelli, s’obstine donc à élucider son affaire, liée au trafic de cocaïne. Au grand dam de ses chefs. "Quel sens ça a de donner la chasse aux assassins dans un monde d'assassins ?", demande un personnage à De Luca. "Un meurtre est un meurtre, en tous les cas, et il doit être toujours puni. Là-dessus, la loi ne change pas " rétorque le jeune policier, sans convaincre son auditoire. "Je sers l’Etat, c’est mon métier, qui reste identique même quand l’Etat change". L'écrivain italien utilise un style descriptif pour narrer aussi bien les évènements que pour cerner la psychologie des protagonistes.
En choisissant un anti-héros pour personnage principal, Carlo Lucarelli, l’auteur d’Une affaire italienne (éditions Métailié), développe une intrigue historique aux ramifications complexes. Plus l’enquête avance, plus le régime est à nu, plus le système craquèle de tous les côtés. Carlo Lucarelli regarde la société italienne de l’époque au fond des yeux, et tend un miroir à l'actuelle. Toute ressemblance avec le présent n'est pas forcément fortuite. Indispensable.
("Péché mortel", Carlo Lucarelli, traduit de l'italien par Serge Quadruppani, éditions Métailié, 20,50 euros)
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