Prix Femina pour "Le lambeau", Philippe Lançon réapparaît publiquement pour la première fois depuis l'attentat
"On écrit avant tout pour les vivants mais en pensant aux morts." Les mots lancés, comme ça par Philippe Lançon, devant tous les présents à la remise du Femina. Les flashs crépitent pour immortaliser l'image : Philippe Lançon posant sur le tapis rouge de l'hôtel Perrinet de Jars, rue du Faubourg Saint-Honoré. L'auteur est venu recevoir le prestigieux prix. Ce dernier couronne son roman "Le lambeau", où il raconte son processus de guérison après avoir été gravement blessé au visage lors des attentats de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. C'est la première apparition publique de l'auteur depuis l'attentat et le récit qu'il a fait d'une lente reconstruction physique et morale. Sa venue après l'annonce des résultats du prix littéraire était incertaine.
"Un chef d'oeuvre hors catégorie"
Membres du jury, amis, journalistes viennent le féliciter. Un côté quelque peu mondain appuyé par le luxe de l'hôtel : décoration chargée en tableaux et moulures, serveurs endimanchés, on se croirait dans un salon littéraire du XVIIIe siècle. Un écrin fastueux pour accueillir un grand auteur, en quelque sorte. "Ce livre "Le lambeau" est un chef d'œuvre qui répond aussi à un événement unique et donc il est hors catégorie", a déclaré Chantal Thomas, la présidente du jury Femina. Surtout, ce roman s'est, paraît-il, imposé comme le lauréat dès les premières réunions même si "chaque livre a été discuté", ajoute la présidente du jury. David Diop, auteur de "Frère d'âme" a obtenu la seule voix contradictoire, alors que la presque unanimité du jury féminin a plébiscité "Le lambeau". Pierre Guyotat, qui concourait pour "Idiotie", a reçu un prix spécial pour l'ensemble de son œuvre.Un chef d'œuvre sans doute, mais qui n'a pas obtenu les grâces de l'académie Goncourt. Les membres du jury ont retiré "Le lambeau" de leur dernière sélection, considérant qu'il ne constituait pas une "œuvre d'imagination". Pour le jury Femina, écarter "Le lambeau" n'était pas imaginable. "La distinction récit-roman se pose chaque année et doit être décidée au cas par cas", explique Chantal Thomas. "Certains récits se donnent comme des récits objectifs, quasi journalistiques. D'autres supposent une écriture, une intériorisation et une mise en forme romanesque sans laquelle le récit ne serait pas possible. Le livre de Philippe Lançon est l'exemple même de cela."
"Une suspension dans le temps"
Pour Philippe Lançon, l'intention romanesque était présente. "Quand on commence à écrire on ne sait pas vraiment où on va. Mais quand j'ai commencé à réellement prendre du temps pour l'écriture, je savais que j'allais produire un texte", nous explique-t-il. Cette intention a mis du temps à s'imposer, car le roman a réellement été écrit entre juin 2017 et janvier 2018, bien après les attentats et la convalescence racontée dans le roman. Ce texte, il explique l'avoir écrit d'abord pour lui-même, même s'il avait aussi vocation à être lu : "Dès lors, j'ai pensé à la composition", explique Philippe Lançon."La question du récit est apparue. L'histoire doit être bien racontée pour qu'elle touche le lecteur, mais sans transiger. Lors des passages où je suis à l'hôpital, j'ai voulu retranscrire ce que j'ai vécu : une suspension dans le temps, l'impression que tout se répète. J'ai donc travaillé sur la composition de mes phrases, en utilisant des répétitions, pour restituer cette atmosphère."
L'obtention du prix Femina devrait permettre de doper les ventes de ce roman. Une considération presque accessoire pour cette œuvre qui est déjà un petit succès littéraire depuis sa parution en avril 2018 avec 169.000 exemplaires vendus.
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