Quand Anne Wiazemsky conte ses amours avec Godard
Le sortilège Anne Wiazemsky ? Enveloppé dans une écriture fluide, l'évocation candide, à la première personne, d'un univers où le meilleur ami d'enfance de la narratrice s'appelle Antoine Gallimard (qui l'éditera plus tard), son grand-père François Mauriac et son prof de philo, Francis Jeanson, ami de Sartre passé à la postérité comme "porteur de valises" du FLN.
Retour en juin 66 : Anne vient d'échouer en partie à son bac de philo et doit repasser l'oral en septembre. Mais on n'est pas sérieux quand on a dix-neuf ans : la jeune comédienne d'"Au hasard Balthazar" a déjà plongé dans l'univers magique du cinéma avec Robert Bresson. Après avoir été ébloui par "Masculin Féminin", elle écrit une courte lettre à son réalisateur, Jean-Luc Godard.
S'ensuit un été enflammé en Provence (château, cigales, piscine) avec l'auteur de "Pierrot Le Fou", puis une année de tempête avec la famille Mauriac, peu en phase avec l'hurluberlu. Mais on découvre ici - ô surprise - un Godard trentenaire aussi imprévisible (on le savait) qu'attachant (on le sait moins).
Un Godard séduit par Mao qui met en scène, dans son appartement du VIIIe arrondissement, quatre étudiants (dont l'une jouée par Wiazemsky) dissertant sur les vertus de la Révolution. Le film s'appellera "La Chinoise" (1967) et Godard, peiné, ne comprend pas pourquoi l'ambassade de Chine déteste le film qu'il lui montre avec tant de fierté...
Les seconds rôles ici s'appellent Truffaut ou Cohn-Bendit ...
Faut-il rajouter qu'au décor du Paris chic se superpose celui du chantier de Nanterre où l'étudiante Wiazemsky, bac en poche, entame mollassonnement des études de philo ? Que les seconds rôles ici s'appellent Daniel Cohn-Bendit (qui hurle à l'intention d'Anne « solidarité des rouquins » !), Juliet Berto ou François Truffaut ? Que le fond de l'air était rouge, un an tout juste avant 68 ?
Les fans d'Anne Wiazemsky devraient s'arracher cette "Année studieuse" qui dépeint - le titre le signifie assez - les "golden sixties" et la Nouvelle Vague avec plus d'humour que de nostalgie. Un délice ironique et tendre.
"Une année studieuse" Anne Wiazemsky
Gallimard, 262 pages, 18 euros
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