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"Au nom du père", d'Eric Maravelias : roman noir survolté dans un grand Paris de cauchemar

Règlement de comptes entre dealers dans Paris et banlieue, en 2023... Dans ce roman noir à toute allure, les gangs ne prennent pas de gants, le centre de la capitale est désormais interdit à l'essentiel de la population, tandis qu'aux franges de la ville, les caïds règnent sur des secteurs entiers. Bienvenue dans "Au nom du père", le second livre d'Eric Maravelias.
Article rédigé par franceinfo
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Eric Maravélias
 (A.Denost)

Pour un polar, c'est le (seul) critère qui compte : ouvrir la première page, partir ou non pour l'aventure. A cette aune, l'embarquement est immédiat pour "Au nom du père", qui s'ouvre sur le face-à-face entre deux mafieux, le Macédonien Dante et l'Albanais Falcone, dans une somptueuse demeure au bord d'un lac. Nous sommes en Macédoine en 1998, et le premier charge le second de former aux affaires, si l'on ose dire, son fils Alkan, qu'il n'a pas reconnu.

"Lois martiales", "état d'urgence", "essence rationnée"

Vingt-cinq ans plus tard, Dante, Falcone et Alkan, tous venus en France, ont fait prospérer sans pitié leur business et se partagent par secteurs le marché de la drogue, tenant sous leur coupe de jeunes dealers prêts à tout pour sortir de leur misère. Le pays est dévasté par la crise, l'"état d'urgence provisoire" et les lois martiales s'éternisent. L'essentiel de la population est prise à la gorge, l'essence rationnée - sauf pour quelques privilégiés, à l'autorisation illimitée- et le centre de Paris est réservé aux happy few titulaires d'un "pass".

Air connu : seuls les plus malins s'en sortent. Sera-ce le cas de Cristale, maîtresse officielle de Dante à la vingtaine radieuse, qui fomente un plan pour s'échapper loin d'une ville sous surveillance, avec les espoirs qu'elle porte en elle ? Et de deux "mômes" de banlieue, Boris, qui rêve de sa Bretagne natale et d'une jeune femme dont il n'a plus de nouvelles, et "Moustique", à la recherche désespérée de son père?

Poésie urbaine et langage de la rue

Mais  ici, les plus malins et les plus redoutables sont assassins et trafiquants. A 57 ans, Eric Maravelias, dont c'est le second roman, connaît bien l'univers de la drogue. Dans "La faux soyeuse", il racontait son parcours de survivant, accro à l'héroïne prêt à tout ou presque pour s'en procurer - "pas d'agressions physiques, je n'étais pas violent", précise-t-il- avant de décrocher enfin grâce à la méthadone. Vingt ans passés avec les toxicos -et les dealers- de la banlieue parisienne ont constitué une descente aux enfers dont il a gardé des fulgurances, un pessimisme tenace et le langage de la rue.

Pas question ici d'en dire trop, mais entre dialogues vifs, poésie urbaine surgie d'images de villes dévastées,  et nostalgie d'une nature qui a partie liée avec l'enfance, on ne saurait que recommander ce polar rapide qui prolonge les lignes anxiogènes du présent, jusqu'à un futur proche crépusculaire.

"Au nom du père", d'Eric Maravélias
(Série noire, Gallimard, 390 pages)


Extrait : 

Derrière le blindage des vitres teintées, la capitale affichait de façon obscène son architecture arrogante. Les toits hérissés d'antennes des tours de la Grande Ceinture crevaient les nuages. Leurs feux rouges clignotaient sans répit, elles ceignaient l'agressive mégalopole d'une véritable muraille. L'Autostrade, comme des douves, courait au pied de cette frontière opaque de béton et de verre plantée entre GranParis et l'IPZ".

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