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"Bande de Français" de Marco Koskas, sélectionné par le prix Renaudot, provoque la colère des libraires
En sélectionnant un livre autoédité et diffusé en exclusivité par Amazon, le jury du prix Renaudot "rend un bien mauvais service à l'auteur lui-même, aux libraires et donne un signal inquiétant pour l'avenir de la création et de la diffusion du livre", a estimé le Syndicat de la librairie française. L'écrivain a répondu au message du SLF en dénonçant un "chantage scandaleux".
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Parmi les 17 romans retenus cette semaine dans sa première sélection par le jury du prix Renaudot figure "Bande de Français" de Marco Koskas, un livre autoédité à compte d'auteur via la plateforme CreateSpace d'Amazon.
"Galligrassud"
Auteur d'une quinzaine d'ouvrages publiés chez des éditeurs "classiques", Marco Koskas a expliqué qu'il n'avait pas trouvé d'éditeur pour publier son livre qui raconte l'immigration de Juifs français en Israël. Le livre de 198 pages mis en vente sur le site d'Amazon en avril est vendu 9,97 euros. Sur la quatrième de couverture figure le nom d'un éditeur fantaisiste, "Galligrassud", mot-valise pour Gallimard, Grasset et Actes Sud."Ce titre, diffusé en exclusivité par Amazon, n'est, de ce fait, présent dans aucune des 3.500 librairies françaises", a fait remarquer le SLF. "Comment priver un auteur du premier réseau de vente de livres en France quand l'objet d'un prix littéraire est de promouvoir auprès du public les titres sélectionnés ? La commande de ce livre est techniquement et commercialement quasi impossible pour les libraires", s'indigne le syndicat professionnel des libraires.
"Ce serait le prix Renaudot le moins vendu de l'histoire"
Contacté par Culturebox, Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, enfonce le clou : "Imaginons qu'il remporte le prix Renaudot, ce sera le prix Renaudot le moins vendu de l'histoire, puisqu'il ne sera pas disponible en librairie". Seul bémol, pour avoir sa place sur les étals de nos libraires, il faut, sauf exception, avoir été édité par un éditeur du circuit traditionnel. Les livres auto-édités comme "Bande de Français" de Marco Koskas n'y ont donc, à l'heure actuelle, pas vraiment leur place.Mercredi, le livre se classait à la 509e place des meilleures ventes d'Amazon en livres toutes catégories confondues et à la 206e en catégorie littérature.
Amazon, une "inexorable machine de guerre"
Dans un rapport publié en mars, le SLF accusait Amazon d'être une "inexorable machine de guerre" qui, selon les libraires, "étrangle la concurrence, dégrade le travail et menace nos centres-villes". "Amazon n'est pas un concurrent comme les autres", estime le SLF. "Il ne veut pas seulement s'imposer comme un acteur important du marché du livre, il veut devenir le marché à lui tout seul en éliminant ses concurrents, en organisant une concurrence déloyale, en échappant à l'impôt, en contournant le prix unique du livre et en remplaçant tout à la fois les éditeurs, les distributeurs et les libraires", s'indignent les libraires.Et c'est bien ce qui froisse le SLF : "on voulait alerter le jury du prix Renaudot sur la portée politique, commerciale et symbolique de ce choix", martèle Guillaume Husson. Symbolique car la potentielle victoire du livre de M.Koskas serait une amère défaite pour les libraires dans le bras de fer qui les oppose au géant Amazon. Le SLF n'a cependant pas demandé explicitement que le livre soit retiré de la sélection du prix littéraire.
"Un chantage scandaleux" (M.Koskas)
Depuis Tel Aviv, où il réside désormais, l'écrivain s'est fendu d'une réponse à destination des libraires : "Il s'agit d'un chantage et d'un diktat scandaleux. Les libraires devraient s'en prendre aux éditeurs qui ont refusé de me publier, et pas à moi", dit-il, en notant qu'ils pouvaient se raviser, Amazon n'ayant pas d'exclusivité sur son livre. Un appel du pied à peine dissimulé.
Le jury du Renaudot fera connaître sa deuxième sélection le 3 octobre. Le prix Renaudot sera décerné le 7 novembre.M. Koskas s'explique le refus des éditeurs par leurs préoccupations devenues uniquement commerciales selon lui, une hostilité grandissante à l'encontre d'Israël, et peut-être une lassitude des éditeurs à son endroit. "La diabolisation d'Israël a pris de plus en plus de place dans le milieu éditorial", estime-t-il, évoquant un "état d'esprit en France qui adopte le narratif arabo-musulman qui condamne systématiquement Israël".
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