"La matière de l'absence" de Patrick Chamoiseau : le deuil maternel comme forme poétique
Le dernier roman de Patrick Chamoiseau joue de paradoxes. Son titre sans effet, "La matière de l’absence" est un bel oxymore qui allie des contraires, la vie/la mort, la mémoire/l’oubli, la centralité maternelle/l’abîme du deuil, le sujet libre/la déshumanisation dans l’esclavage, etc. Et son écriture semble même se nourrir de ce vide avéré. Parions que de nombreux lecteurs revivront ce sentiment si fort où l'on est plongé en présence du dernier souffle d’un être aimé.
Reportage : Christian Tortel, Mourad Bouretima, François Brauge, Daniel Quellier. Images Martinique : Marc-Francois Calmo
Mais loin d’être un livre à thèse pour initiés aux subtilités des littératures caribéennes, il nous surprend par son genre : il est signalé comme roman, selon sa couverture, alors qu’il relève du récit autobiographique doublé d’un essai poétique sur les mentalités antillaises. Cette alliance opère des allers retours entre la figure de la mère et le monde qui l’environne, il va sans cesse du local au global.
Qui plus est, le style exalte un "intime grandiose", l’intime du lien de l’auteur narrateur à sa mère Man Ninotte, constitutif de ce qu’il est, le grandiose de l’être-au-monde antillais, tissé de son histoire et de ses relations.
L’ouvrage vit et le lecteur avec, de ses parallèles, analogies, correspondances. La première pourrait se formuler ainsi : avec la vie d’une personne se rejoue la vie de l’humanité toute entière depuis Homo Sapiens. Cette récapitulation signe le sens de la vie, selon Chamoiseau.
D’autres belles questions traversent les interrogations de l’auteur : Quel sens donner à la mort de sa mère quand on est un écrivain créole américain né à la Martinique ? "La matière de l’absence" est un livre important parce qu’il pose cette question et y répond par une œuvre littéraire de belle portée. Elle illustre exactement cette belle phrase de Friedrich Nietzsche, qui résume toute véritable création : "Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse."
.Reportage : Christian Tortel, Mourad Bouretima, Rael Moine. Montage : Barbara Bailhache. Mixage : Valère Maison
"La matière de l’absence" (éditions du Seuil)
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