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Rencontre avec David Diop, lauréat du Goncourt des Lycéens 2018 pour "Frère d'âme"

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
"Frère d'âme" (Seuil), prix Goncourt des lycéens 2018 est l'histoire d'un tirailleur sénégalais rendu fou par la mort dans les tranchées, de son ami d'enfance, celui qu'il appelle son "frère d'âme". Une mort atroce à laquelle il a assisté, impuissant. Avec ce premier roman, David Diop était le romancier le plus présent sur les listes des prix littéraires 2018. Rencontre.
Finaliste malheureux du Femina, du Médicis, du Goncourt et du Renaudot, David Diop était le seul auteur à figurer dans toutes les sélections des grands prix littéraires d'automne et le seul homme en lice pour le Goncourt des lycéens. "Frère d'âme", son premier roman, fait le récit de la guerre 14 depuis les tranchées, dans la tête d'un tirailleur sénégalais. David Diop, professeur de littérature française du XVIIIe siècle à l'université à Pau, a grandi au Sénégal, mais c'est l'histoire de son arrière-grand-père maternel, un Landais mort prématurément des suites de la Grande Guerre, et une lecture émue de lettres de poilus, qui ont motivé l'écriture de ce puissant roman.

Incarner des représentations abstraites

Enfant, David Diop n'avait entendu parler des tirailleurs sénégalais qu'à travers des histoires de soldes non payées, de chiffres alignés (30.000 tirailleurs sénégalais disparus pendant la grande guerre), de bribes d'une histoire enseignée à l'école. Des "représentations abstraites", que le romancier a voulu "incarner grâce à la puissance et au pouvoir de la littérature", à travers la voix d'un homme, dans l'intimité d'une pensée. "J'ai voulu parler du choc extrêmement violent qu'ont dû subir les tirailleurs sénégalais en arrivant sur un théâtre de guerre qui était très loin de chez eux et qui était extrêmement violent pour tous".

"Comme un griot"

Ce roman, qu'il a écrit d'un seul jet, dit-il, est un trait d'union entre les deux cultures dont il est fait : la culture française, et la culture sénégalaise. "Je raconte cette histoire", dit-il, "comme l'aurait fait un griot qui chante les louanges du personnage, avec un rythme, avec une poétique, et ça, culturellement, c'est très africain de l'ouest". Mais David Diop rappelle qu'il écrit en français, sa langue maternelle, et que la pensée du personnage, qui s'exprime en Wolof, est passée par la traduction en français.

"Il m'a fallu chercher un rythme, une musique, qui me rappellent à moi-même une autre langue, et intégrer dans la langue française un autre horizon culturel qui est vraiment étranger à la culture française. Et ça c'est possible parce que le Français est une langue malléable", explique-il.

"Une autre musique dans la tête"

Comme plusieurs auteurs de cette rentrée littéraire, venus d'ailleurs mais écrivant en français (Gauz, Alain Mabanckou, Estelle Sarah-Bulle…), David Diop renouvelle-t-il la langue française ? A cette question le romancier sourit. "Ces écrivains ont une autre musique dans la tête. Il y a un imaginaire, une culture, qui permet à la langue littéraire française de s'enrichir mais c'est vrai pour tous les écrivains, qu'ils viennent d'Afrique ou d'Occitanie", se réjouit-il.

Et quand on lui parle prix, David Diop répond... lecteurs. "Ces nominations à des prix prestigieux en France, et même dans le monde, cela me permet de rencontrer beaucoup de gens qui s'intéressent au livre, de rencontrer des lecteurs et de recevoir leurs impressions, des lecteurs qui viennent vers moi avec des couches de sens qu'ils ajoutent au texte, et qui m'apportent une lecture, une vision des choses que je n'aurais même pas soupçonnée. Et ça, c'est assez extraordinaire."

Retrouvez ici toutes les sélections et tous les prix de cette saison 2018.

"Frère d'âme", David Diop
(Seuil – 175 pages – 17 euros)

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